La victoire de Rafael Nadal : balle de match, balle de vie !
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Rafael Nadal a remporté son onzième titre à Roland-Garros. Il a battu Dominic Thiem en trois sets.
Regardant jouer le champion espagnol après l'avoir vu gagner les années précédentes, j'ai été saisi par le fait que son prodigieux talent et son incroyable technique de gaucher renvoyaient bien plus qu'au tennis, presque à une manière d'être et de se comporter.
Aucun de ses coups n'est neutre, fade ou indifférent. Chacun menace, agresse, déstabilise, impressionne, fait reculer, déborde et vise immédiatement à obtenir le point ou, en tout cas, à permettre le plus vite possible le gain du suivant. Nadal ne se contente pas de gérer mais il invente, il crée.
Ce processus est fondamental qui se retrouve partout et justifie qu'on partage l'humanité dans toutes ses manifestations entre les gestionnaires ou les créateurs. Kopa, Platini, Anquetil, Zidane, les frères Boniface ou Usain Bolt ont été des inventeurs, qu'ils ne se sont pas contentés, durant leur carrière, de s'adapter sans chercher à apposer leur marque dans la course, dans le jeu.
En revanche, le sympathique Poulidor, chouchou des Français, n'a jamais pris la main sur son destin.
Cette distinction capitale s'applique aussi à la politique. Qu'on ait aimé ou non Nicolas Sarkozy, il relève indéniablement de la catégorie des créateurs, comme, d'ailleurs, Emmanuel Macron. Jacques Chirac et François Hollande, au contraire, malgré les apparences, n'ont jamais bousculé l'ordre des choses, le cours des événements, parce que leur tempérament, profondément, ne les portait pas à une tactique à la Nadal, une stratégie de rupture intellectuelle et humaine.
Marcel Proust a été un génie de l'invention. La littérature, après lui, n'est plus la même. Céline aussi. Houellebecq aujourd'hui. Il y a d'excellents écrivains dont les pages se lisent agréablement mais qui ne donnent jamais l'impression, à ceux qui parcourent leurs ouvrages, d'un nouveau monde, d'une porte qui s'ouvre, d'une lumière inédite. Il y a donc, là aussi, les créateurs d'un côté et les gestionnaires des lettres de l'autre.
Ce partage est présent partout. Dans la parole, il y a les orateurs qui prennent des risques, tentent sinon d'inventer de nouveaux concepts, en tout cas de les exprimer comme jamais. Ils instillent audace, défi, provocation dans le verbe et ne craignent pas d'effaroucher ou de déplaire. Il y a des inventeurs, des créateurs grâce à la parole, et des gestionnaires tièdes et soporifiques qui commentent, répètent ou paraphrasent.
Combien de fois, dans la comédie sociale, ai-je été le témoin de la fracture entre les rares qui n'imaginaient pas parler pour ne pas dire quelque chose d'essentiel et beaucoup d'autres satisfaits de se couler dans le lit ordinaire des échanges prosaïques caractérisés par l'ennui qu'ils distillaient.
On pourrait multiplier les exemples à partir de l'éblouissante réussite de Rafael Nadal. Il triomphe parce qu'il innove et que sa raquette suscite de l'inattendu et fait surgir du neuf. Il désarçonne l'adversaire car chacun de ses coups sort de nulle part. Parce qu'il crée sur le court au lieu de réciter une leçon, même la plus exemplaire possible.
On invente, on prend le vif du réel de plein fouet et on refuse de se soumettre à la routine qui vient trop facilement comme un confort. On ne gagne pas à tout coup - lui si, sur terre battue - mais on existe.
Les gestionnaires - il en faut - sont parfois excellents mais jamais exceptionnels. Ils sont dans la norme mais ne sortent jamais du rang.
Rafael Nadal, merci.
Votre balle de match est une balle de vie.
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