Vignoble bordelais vendu à la Chine : à quand le Château Pékin ?

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Des châteaux viticoles du bordelais, rachetés par des Chinois, ont changé de nom pour devenir "le lapin impérial", "le lapin d'or", "l'antilope tibétaine" ou encore "la grande antilope"... L'écrivain Philippe Sollers, originaire de la région, s'en est ému dans une lettre ouverte au maire de Bordeaux, en partance pour le Conseil constitutionnel, qui a plaidé non coupable, saluant "l'honneur" qui lui était fait "en [lui] accordant des pouvoirs qu' [il n'a] pas". Selon d'autres sources, il aurait bien donné son accord. Quoi qu'il en soit, cette anecdote confirme que nos autorités s'accommodent facilement de voir disparaître le patrimoine français, jusque sur les étiquettes de leurs meilleurs vins.

Selon le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB), en 2018, 140 propriétés appartiennent à des Chinois, qui s'intéressent beaucoup, depuis dix ans, aux vignes bordelaises. Il précise que cinq ou six, seulement, ont changé de nom. Tout comme Marcel Dassault avait, en 1955, acquis le Château Couperie, rebaptisé la propriété à son nom et appelé un grand cru classé « Château Dassault ». La belle affaire que de savoir que les milliardaires français s'approprient aussi notre terroir ! C'est plus légitime que des Chinois.

On nous explique que les nouveaux propriétaires ne font qu'adapter les noms de leurs vins à leur clientèle, car la plus grande partie de leur production est exportée en Chine, où ils possèdent d'importants réseaux de distribution. On explique aux nostalgiques des anciens noms que l'appellation des grands crus ne changera pas : on boira toujours du margaux, pomerol, saint-émilion... Voilà qui rassurera les amoureux du bon vin, mais ne résout en rien le problème soulevé par Philippe Sollers.

Dans un post-scriptum à sa lettre ouverte, il écrit avec humour : "J’ai vu à la télévision les plaques qui signalent ces endroits, où l’on doit chercher, je suppose, à quatre pattes, le lapin impérial. L’ancien nom français étant le Château Saint-Pierre, je pense que ces braves financiers de Hong Kong ne l’emporteront pas au paradis." C'est tout dire. Le terroir français devient, pour ses meilleurs vins, un produit où les milliardaires chinois investissent, quitte à s'en débarrasser si l'affaire ne se révèle pas suffisamment rentable.

Le plus scandaleux, dans cette histoire, c'est que les autorités françaises n'y voient guère d'inconvénient, quand ils n'encouragent pas ce type de transactions. Pour les gouvernements successifs, notamment le gouvernement actuel, notre patrimoine, dont le vin fait partie, ne doit être protégé qu'en fonction de sa rentabilité. Ceux pour qui la finance est le principal moteur d'une économie moderne ne s'inquiètent pas de savoir d'où vient l'argent ni à qui profite le crime.

Car c'est un crime d'abandonner à la spéculation, sans exiger de garanties, des vignobles bordelais, des terres céréalières, des industries, des clubs de foot, etc. Mais que peut-on attendre d'un Président qui veut faciliter les investissements chinois en France dans l'espoir d'accéder plus facilement au marché de l'empire du Milieu ? On pourrait en dire autant de pays du Moyen-Orient qui investissent, entre autres, dans l'immobilier et les châteaux. À ce rythme, on s'apercevra un jour, en se réveillant, que la France n'appartient plus aux Français, mais à la finance internationale.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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