Viktor Orbán réaffirme son nationalisme, avec Bruxelles dans le viseur

Orbán s'en est pris à une UE qui veut “détourner nos enfants et nos petits-enfants de l’ordre sain de la Création”.
Capture écran DW News
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Rarement, dans l’Histoire, un discours de chef de gouvernement, à l’occasion d’une fête nationale, n’aura provoqué un tel tombereau d’attaques et de menaces. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, se doutait pourtant qu’il provoquerait une belle bronca en s’adressant à la nation devant le Musée national de Budapest le 15 mars, à l’occasion de la fête nationale qui commémore la révolution anti-Habsbourg de 1848.

« Illibéralisme »

Les réactions hostiles en Hongrie même, étant « de bonne guerre » à un an des prochaines élections législatives, étaient, de fait, attendues. Fort de son avance dans certains sondages, le dissident du parti Fidesz de Viktor Orbán devenu opposant conservateur, Peter Magyar, l’a assuré : « Nous allons mettre fin à l’époque Orbán. » De son côté, Péter Marki-Zay, candidat chrétien-conservateur de l’opposition battu par le Fidesz en 2022, a indiqué qu’il allait porter plainte contre le Premier ministre pour « incitation à la haine ».

Mais le Premier ministre hongrois énerve sans doute plus, encore, les milieux pro-bruxellois en Europe que ses propres opposants en Hongrie. Si Le Figaro a cherché à mesurer son propos, évoquant une « fuite en avant de Viktor Orbán », France Inter a estimé que le Premier ministre hongrois faisait « de l’insulte une arme politique ». Et Courrier international a vu dans ce discours le signe d’une « radicalisation supplémentaire du pouvoir magyar ». Sans surprise, Toute l’Europe (site de propagande européiste créé par le Secrétariat général des affaires européennes et la SNCF) a considéré que « la Hongrie de Viktor Orbán s'enfonce dans l'illibéralisme » et constaté que « la presse européenne déplore un nouveau tournant antidémocratique ».

Quelles horreurs Viktor Orbán a-t-il bien pu oser dire pour mériter cela ? Le plus énervant, dans son discours, pour les milieux bruxellois auxquels il résiste depuis son premier mandat en 1998, a sans doute été sa façon d’inscrire son action dans l’esprit des acteurs historiques de la révolution nationale hongroise de 1848, celle dont la Hongrie célébrait, justement, le 177e anniversaire, le 15 mars dernier : « Pour nous, le 15 mars n’est pas une commémoration ordinaire, ni même un simple événement historique. C’est un moment sacré. »

Contre le « Hongrie-bashing » européiste

Viktor Orbán a ensuite moqué le « Hongrie bashing » européiste : « Depuis de longues années, on nous répète que nous appartenons au passé. C’est ce qu’on disait déjà en 1848 : l’avenir appartient au glorieux empire de Vienne. C’est ce qu’on disait en 1956 : l’avenir appartient à l’empire rouge soviétique. Et c’est ce qu’on dit, aujourd’hui encore : l’avenir appartient à l’empire mondial arc-en-ciel. » Bien plus qu’un uppercut envoyé à George Soros et aux organisations LGBTQ+, le propos vise ici à rappeler que le positionnement nationaliste de la Hongrie prôné par Viktor Orbán est bien dans le sens de l’Histoire, avec la fin du mondialisme confirmée par le retour de Donald Trump : « L’avenir n’appartient pas aux empires mais aux patriotes et aux nations indépendantes. »

Rappelant que « l’élément [caractéristique] des Hongrois, c’est la liberté », il justifie alors des années de résistance à l’impérialisme bruxellois, pour les dégâts qu’il génère quand il « cherche à mélanger, puis à remplacer, les peuples autochtones d’Europe par des masses invasives venues de civilisations étrangères ». Et de s’en prendre à une Union européenne qui veut « détourner nos enfants et nos petits-enfants de l’ordre sain de la Création pour les plonger dans le chaos de modes de vie contre-nature », oubliant et rejetant « l’ordre et la culture de la vie chrétienne » et, « au lieu de la paix, nous enrôler au service des dieux de la guerre ».

Une économie centrée sur la famille

Pour Viktor Orbán, « la solution n’est pas de tourner le dos à l’Union européenne » mais de « l’investir et la transformer », car « à Bruxelles, aussi, l’Histoire finira par tourner. Le moment viendra et nous règlerons tous les comptes. » Il rappelle combien la Hongrie est désormais le contre-modèle bruxellois : « Nous avons bâti l’unique économie nationale patriote d’Europe. Nous avons renvoyé le FMI chez lui. Nous avons dompté les multinationales et les banques […] Nous avons mis l’ensemble de l’économie nationale au service du peuple hongrois. » Et le Premier ministre de proposer un nouvel horizon : « Nous allons créer la première économie au monde centrée sur la famille », annonçant dès maintenant que « les mères d’un enfant seront exonérées d’impôt sur le revenu jusqu’à leurs 30 ans, et celles ayant deux enfants ou plus en seront exonérées à vie ».

Rappelant sa position en faveur de la paix en Ukraine et son refus de la voir entrer dans l’Union européenne, Viktor Orbán a conclu en déclarant la guerre à ces « punaises » qui « ont survécu à l’hiver », ces « serviteurs de Bruxelles » qui « sont là depuis bien trop longtemps. Ils ont survécu à trop de choses. Ils ont reçu de l’argent de trop d’endroits. Et ils ont retourné leur veste trop de fois », promettant d’anéantir « cette armée de l’ombre ». Les « punaises » en question n'ont visiblement pas apprécié.

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