Virginie Calmels confirme (et se dédouane) : la raison du fiasco Juppé, c’était Juppé

Nouveau livre sur les coulisses de cette folle campagne présidentielle de 2017, après celui de Patrick Stefanini, directeur de campagne de François Fillon, et de Gilles Boyer, directeur de celle d'Alain Juppé : J'assume, de Virginie Calmels, proche d'Alain Juppé il y a deux ans, ralliée à Fillon l'an dernier puis, aujourd'hui, à Laurent Wauquiez. Elle y analyse les raisons du naufrage d'Alain Juppé.

D'abord, son entourage. Les directeurs de cabinet et de campagne Ludovic Martinez et Gilles Boyer. Elle rebaptise le premier "Iznogoud du palais Rohan" - et se décrit comme la "femme à abattre [...] la destinataire de petites humiliations ridicules". Pour elle, "ils seront au final les responsables de sa défaite. Et les seuls." "Je me rends compte que l'isolationnisme entretenu par la garde rapprochée d'Alain Juppé a pris des proportions alarmantes." On savait Alain Juppé coupé du monde réel, et de la droite. On sait désormais qu'il s'entourait de conseillers qui aggravaient la chose... On ne peut que se réjouir que ces gens-là ne soient pas aux commandes aujourd'hui et remercier les électeurs de droite de la primaire qui nous ont évité ce scénario.

Ensuite, la ligne. Virginie Calmels dit avoir mis en garde le candidat et l'équipe contre une campagne sur le thème de "l'identité heureuse", surtout dans une primaire où il fallait s'adresser aux électeurs de droite. Pour elle, c'était un "incompréhensible concept", une "théorie fumeuse". Tiens, Virginie Calmels criait dans le désert juppéiste sans pouvoir se faire entendre ? Mais non, j'oubliais : elle était retenue prisonnière par le terrible « Iznogoud » du palais Rohan. Ah, si elle avait crié assez fort, peut-être qu'un groupe d'identitaires serait allé la délivrer... Vous imaginez le rebondissement, dans cette campagne folle ?

Et puis, dans les raisons du naufrage annoncé de l'aventure Juppé, il y a... Alain Juppé. Sa personnalité. Virginie Calmels dit avoir prévenu le candidat que sa ligne "peut courir à sa perte s'il persiste à camper sur ses positions" dans un long mail du 28 avril 2016. Il lui répond qu'il "est têtu, et qu'il a la profonde conviction que l'avenir de la France, c'est construire son unité dans le respect de sa diversité". Commentaire de la dame ? "Je découvre que plus on le contredit et plus Alain Juppé se braque." Virginie Calmels découvrait bien tard le Juppé que les Français connaissaient, eux, depuis 1995 : "droit dans ses bottes", fonçant droit dans le mur.

En fait, Virginie Calmels, avec ses saillies accablantes sur la personnalité, la ligne et l'entourage perdant-perdant d'Alain Juppé, aurait dû écrire sur Boulevard Voltaire où Alain Juppé fut souvent critiqué par nombre d'éditorialistes, pointant avec clairvoyance les faiblesses du personnage. Alors, suivre un leader dont on voit ainsi toutes les failles, toutes les erreurs d'analyse, changer de champion - Juppé, Fillon, Wauquiez - comme de chemisier et dire « J'assume », comment peut-on appeler cela ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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