Visiblement, la musique n’adoucit pas les mœurs d’Ibrahim Maalouf

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Un lendemain de réveillon difficile et vous voilà mal embouché pour toute la journée. Pour faire passer la charge de cavalerie lourde qui vous laboure le crâne, vous avalez un peu d’eau avec tout plein de bulles dedans et vous vous effondrez sur le coup de midi devant votre télévision. C’est l’heure du concert du Nouvel An de Vienne. « Beau Danube bleu », « Valse de l’empereur » et autres Delikatessen straussiennes. Sans oublier, en final, bien sûr, la « Marche de Radetzky », histoire de se réveiller et de repartir du bon pied comme à la parade ou au bal des débutantes. Tant pis si ce feld-maréchal Radetzky était un affreux réactionnaire. Au fond, un personnage tout aussi inspirant que Trotski. La preuve ! Passé ce concert aussi immuable que la messe de minuit ou la chasse aux œufs du beau matin de Pâques, cela va, en principe, un peu mieux. Normalement, les cavaliers de Murat se sont noyés dans les eaux de l’Alka-Seltzer™. Enfin, en principe. Et pour la plupart d’entre nous.

Mais ce 1er janvier 2021, pour le trompettiste franco-libanais Ibrahim Maalouf, le concert du Nouvel An donné par l’orchestre philharmonique de Vienne n’a pas eu l’effet apaisant que l’on pouvait attendre. « Sublime orchestre de Vienne qui chaque année excelle autant musicalement qu’il se fait tristement remarquer par son manque de diversité ethnique. 2021 on veut plus de diversité ! Si Vienne est à l’extrême, les orchestres français sont loins (sic) du compte aussi. » Cette obsession de la diversité ethnique devient franchement très inquiétante. D’abord, pour qui aime la musique pour ce qu’elle est, on a envie de dire que la couleur de peau des violonistes, pianistes et autres trompettistes, on s’en fout un peu, non ? Pour ne pas dire complètement. Évidemment, ce tweet d’Ibrahim Maalouf a déclenché, il fallait s'y attendre, un concert de réactions, plus ou moins harmonieuses. Deux méritent cependant d’être mises en avant.

Celle, tout d’abord, de la violoniste Zhang-Zhang, membre de l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo : « Peut-être que M. Maalouf l’ignore : le concours de recrutement des orchestres symphoniques professionnels se fait derrière un paravent. Le jury ne voit pas les candidats, il n’écoute que la qualité de la performance. Les artistes sont choisis par leur musique. PAS par leur couleur de peau/sexe/origine ethnique. » Justement, c’est peut-être là le problème, puisque Maalouf « rêve d’un orchestre classique avec des français issus de toutes les origines ». Le problème, c’est qu’il y a des rêves qui peuvent se transformer en cauchemar. La discrimination positive qui nous pend au nez si on entretient cette obsession de la diversité ethnique en est un. Quand on veut faire entrer au chausse-pied une contrebasse dans une boîte à violon, pas certain que l’harmonie soit à la clef de sol.

Autre réaction, celle du journaliste André Bercoff. Bercoff n’est pas violoniste, il y met donc moins de nuances : « Ibrahim Maalouf prouve une fois de plus, s’il en était encore besoin, que l’on peut être en même temps excellent musicien et con comme une fausse note. Foutez la paix à l’orchestre de Vienne et à cette fameuse diversité dont on a pu apprécier, au Liban, les miraculeuses vertus. » Visiblement, le trompettiste n’a pas apprécié : « Voilà qui m’insulte maintenant… Mr Bercoff encourage les mouvement (sic) identitaires, fricotte (sic) avec les fachos, valeurs actuelles, Boulevard Voltaire etc… à 80 ans il est complotiste et m’insulte publiquement parce qu’il n’est pas d’accord avec moi. » On notera que Boulevard Voltaire, qui n’en demandait sans doute pas tant, a les honneurs de M. Maalouf.

Ibrahim Maalouf est un magnifique trompettiste. Pour vous en convaincre, écoutez-le accompagner, à l’Olympia en 2014, la regrettée Juliette Gréco chantant « La Javanaise » de Gainsbourg,  ou la somptueuse Hiba Tawaji, depuis peu son épouse, chantant « Les Moulins de mon cœur » de Michel Legrand. Mais ce soir, on a envie de reprendre la chanson de Brassens : « Trompettes de la renommée/Vous êtes bien mal embouchées. » Ibrahim Maalouf devrait essayer de la jouer à la trompette. À moins qu'il n'essaye un verre d'eau avec tout plein de bulles dedans.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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