[VIVE LA FRANCE] À Brive, une douce plongée chez Denoix, maître liquoriste

©P. Colmant
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Un peu de douceur dans un monde de brutes. À Brive-la-Gaillarde, il est une famille au nom prédestiné qui cultive un savoir-faire hérité de l’engouement des douceurs liquoreuses du XIXe. La distillerie Denoix, installée au cœur de cette ville à la joie de vivre communicative, propose depuis 1839 sa « Suprême Eau de Noix » et autres liqueurs de fenouil ou de coing dont, certes, il ne faut pas abuser, mais qui ont un délicieux petit goût de « revenez-y ».

 

Authenticité des lieux et papilles aiguisées

 

Parfumées, douces en bouche, chatouillant la narine et fleurant les liqueurs de placards de nos grands-mères, ces boissons alcooliques (honte à elles !) mettent en appétit ou aident à la digestion. Bref, dans cette entreprise du patrimoine vivant, on a plaisir à lever le coude. Mais l’émerveillement que dégagent l’atmosphère et l’authenticité des lieux pourrait suffire au bonheur du visiteur. Autrement dit, la dégustation est appréciable, sans être indispensable, car l’actuelle 5e génération est soucieuse de partager son héritage. Elle fait visiter, avec explications et moult détails, sa distillerie qui continue de fonctionner strictement comme au XIXe. Un vrai petit musée à montrer aux enfants.

 

©P. Colmant

 

Louis Denoix, premier maître liquoriste, inventa cette liqueur de noix, produit phare de la maison. Un été, croulant sous les noix, une spécialité corrézienne, donc locale (un bon point pour la planète !), cette personnalité inventive et patiente mit à macérer des noix vertes dans de l’alcool neutre à 90 %. Il les laissa pendant cinq ans dans des fûts de chêne, y ajouta plus tard un peu de cognac, de l’armagnac, du sirop de sucre cuit au feu de bois et créa cette « eau » suprême qui, à défaut d’être recommandée pour le foie, est succulente à déguster sur un lit de glace pillée ou façon kir, avec un blanc de blanc. Depuis, fenouillette de Brive à la badiane, liqueur de macération de coing, armagnac à l’orange ou liqueur de chocolat à partir de la macération de fèves de cacao complètent la gamme de douceurs qui séduisent autant les yeux et l’imagination qu’elles aiguisent les papilles.

 

La pièce aux effluves illicites…

 

Les fûts d’origine, d’environ deux mètres de circonférence, sont là, au fond du magasin, emplis de délicieux nectars, en vis-à-vis du comptoir de vente, telles des sentinelles du respect des traditions. Des petits seaux de cuivre accrochés à leur robinet brillent dans l’atmosphère tamisée de la boutique. Une plongée hors du temps avant de basculer dans celui d’antan, lorsque l’on arrive au bout du magasin, dans la pièce aux effluves illicites… On en oublie que boire nuit gravement à la santé ! L’alambic à bain-marie, en cuivre, posé sur le foyer en briques du XIXe, brille comme un sou neuf. C’est de son joli col de cygne que s’échappent les vapeurs volatiles chargées d’arômes, extraits des fruits ou des plantes, qui viennent parfumer l’alcool. Bassines et bacs de cuivre, avec leurs macérations d’écorces d’orange ou de fenouil, embaument et illuminent de leurs chaudes couleurs l’espace. Dans un coin, un tas de bois bien sec prêt à ranimer le feu.

 

©P. Colmant

 

La méthode de distillation n’a pas changé depuis 185 ans. La clarification au blanc d’œuf est toujours d’actualité. On nous montre tout - enfin, presque. Car le secret des assemblages reste jalousement gardé par Marie, arrière-petite-fille de Louis Denoix, et Paul Bastier son mari. Ils ont pris la succession de leurs parents, une cinquième génération de maîtres liquoristes soucieuse de préserver un patrimoine artisanal d’exception française.

Patricia Colmant
Patricia Colmant
Journaliste indépendante

Vos commentaires

7 commentaires

  1. Un article plein de sensualité, magique ! hélas, j’ai trop bu et ne puis plus boire. Nostalgie !

  2. Le corrèzien « pure souche  » que je suis vous remercie de faire connaître le savoir-faire de nos campagnes inclus dans un patrimoine national qui ne se cantonne pas qu’à Paris.

  3. Encore un bel exemple du patrimoine français et qui prouve que dans ce pays nous avons des capacités et des compétrences que beaucoup nous envient mais malheureusement nous avons un président qui ne cesse de nier toutes ces choses , qui renie notre culture , notre patrimoine , notre histoire et nos racines .

    • Qui peut en ces lignes et ailleurs penser le contraire ? À l’exception peut être de funestes deconstructeurs, dont le nombre est en dessous de leur faculté de nuisance il est vrai, et tout particulièrement le premier d’entre eux pour qui notre pays, ces terroirs, ces savoirs faires, ou ça culture devrait être ordinaire.

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