[VIVE LA FRANCE] À Thiers, le couteau est un art et une tradition, pas une arme

LeThiers

À quand, l’interdiction de glisser au fond de sa poche un canif à la façon des paysans, culottés de velours, qui ne quittaient pas leur compagnon de jour, si utile pour sectionner une tige de paille, décoincer un gond ou se couper une tranche de pain après avoir croisé la miche de la pointe de la lame ? Même si la salopette verte a remplacé le velours côtelé, la tradition perdure à la campagne sans jamais être teintée d’agressivité. En revanche, il est tragique qu’elle ait fait, en ville, des émules haineuses qui poussent le gouvernement à envisager de légiférer contre le port de couteau. Perspective qui n’est pas sans inquiéter les professionnels thiernois de la coutellerie. Une loi de plus pour lutter contre ces malfrats assassins qui, à raison de plus d’une centaine par jour, menacent les Français et dont tant de jeunes gens sont victimes. Est-ce vraiment la méthode efficace pour enrayer cette spirale infernale ? Éducation et mesures judiciaires adéquates ne seraient-elles pas plus appropriées ?

Intelligence de la main

À Thiers, cité coutelière par excellence, on se dit, avec une certaine candeur, que l’éducation fait beaucoup. « En initiant les jeunes à façonner leur propre couteau, en leur faisant découvrir l’intelligence de la main, le plaisir de créer un bel objet dont ils peuvent être fiers, on les aiderait à réfléchir à son usage », veut croire Dominique Chambriard, héritier d’une longue lignée de couteliers. D’où l’accent mis, cette année, sur les ateliers réservés aux jeunes, pour la 33e édition de Coutellia, le Festival du couteau d’art et de tradition qui se tient le week-end de la Pentecôte. « Nous constatons qu’au public traditionnel de collectionneurs ou de professionnels à la recherche de nouveautés et de très belles pièces se mêlent les familles », poursuit le coutelier. « On a donc fait un espace pour les jeunes. Ils peuvent monter leur propre couteau de A à Z, guidés par des professionnels. Il y a aussi un atelier où les enfants vont dessiner LE THIERS@ de leur rêve. Un jury sélectionnera le plus beau couteau qui sera fabriqué et remis à son auteur à Coutellia 2025. »

Quintessence d’un savoir-faire ancestral

Ce festival, fort de ses 43 ans d’existence et de ses 300 exposants venant de 21 pays, est unique en Europe. Il propose des pièces exceptionnelles, quintessence d’un savoir-faire ancestral à partir de belles matières (aciers spéciaux, damas, ivoire de mammouth, loupe d’orme…). Et confirme le statut de capitale du couteau de cette ville auvergnate qui vit depuis 800 ans sur l’art de façonner tous types d’outils et instruments tranchants. Un cas unique dans l’histoire industrielle française. La profession a toujours su se réinventer pour faire face aux crises, en accord avec la devise de Thiers, évocatrice de l’état d’esprit des Auvergnats : Labor omnia vincit improbus (« Le travail opiniâtre vient à bout de tout »). Rattrapée par la désindustrialisation des années 70, il ne restait plus, en 1980, que 20 coutelleries et peu d’emplois, alors qu’un siècle plutôt, ils étaient plus de 15.000 salariés et 400 entreprises qui inondaient la France d’objets coupants. L’hiver, dans les campagnes, les paysans travaillaient la lame. « Nous étions les Chinois de la coutellerie », dit en riant Dominique Chambriard, qui est aussi vice-président de la « Confrérie du Couté de Tié ». Créée en 1993, cette organisation est bien jeune au regard des siècles d’Histoire dont la profession s’enorgueillit. Trop occupés qu’ils étaient à fabriquer tous les couteaux régionaux en tête desquels le Laguiole et sa petite abeille, ils avaient omis de se structurer et de « s’identifier » via leur propre modèle. Il faudra attendre 1994 et l’initiative de Jean-Pierre Treille, petits-fils et fils de coutelier qui a mobilisé toute la profession, des industriels, des designers et autres passionnés de couteaux pour que naisse LE THIERS@, un couteau collectif résolument moderne, interprété et fabriqué par les adhérents à la Confrérie, soit aujourd’hui 700 modèles qui bénéficient de l’aura de la marque collective « Esprit de Thiers » portée par désormais 140 entreprises, 800 salariés et une centaine de sous-traitants.

Patricia Colmant
Patricia Colmant
Journaliste indépendante

Vos commentaires

32 commentaires

  1. Le port de couteau est déjà interdit, la vraie et seule question qu’il faut se poser est: Qui est l’auteur des agressions… Mais déjà oser le demander fait de moi un horrible facho….

  2. Je ne porte pas de « cottelé vert » et pourtant j’ai toujours sur moi un couteau, par tradition professionnelle: celle de « couper la corde du pendu » ! D’ailleurs, antan, lors des appels à la prise de service il y avait des contrôles inoppinés !

  3. Je me souviens avec nostalgie du Nogentais (Haute-Marne, autour de la ville de Nogent). il s’y trouvait aussi une tradition de coutellerie, même et surtout de cisellerie, qui a décliné, mais qui était très vivante : nombre de petits ateliers individuels au fond du jardin. Aujourd’hui reste un magnifique musée de la cisellerie-coutellerie, et aussi des industries de forge très performante. La culture du métal est très profonde dans ce département, fonderie au nord, forge au sud. Que la Haute-Marne sache valoriser cette culture propre !

  4. Je suis un citadin et depuis 50 ans j’ai un couteau sur moi. Les voyoux qui tuent au couteau n’auront aucune difficulté à trouver cet objet, un peu comme les Kalachnikov. Donc une fois de plus nos pubères incompétents se tromperont.

  5. ‘ Thiers, cité coutelière par excellence ‘ ? Le Thiers auvergnat est infiniment moins beau que le Laguiole rouergat ! Le chauvinisme régional est une tradition française que vous me donnez l »occasion de relancer avec bonne humeur ! Coucou aux Auvergnats ! (ils fabriquent d’ailleurs certains des lames des Laguiole). Mais en 2022, après des décennies de combat judiciaire une IG protégée a été créée, IG bizarre car elle reconnaît à la commune de Laguiole mais aussi à d’autres communes le monopole de l’utilisation du mot Laguiole ! Mais si vous en voulez un vrai de vrai assurez vous qu’il vient bien d’un artisan de Laguiole (en Rouergue/12).

  6. Gamins nous avions tous un couteau dans la poche mais jamais il ne nous été venu l’idée d’étrier quelqu’un avec . C’est arrivé dans notre pays avec une autre religion que chrétienne.

    • Je suis loin d’être un gamin, mais j’ai toujours un canif dans la poche. Comme je les collectionne, j’en change régulièrement…
      Un homme sans canif, c’est comme un curé sans chapelet…

  7. Le couteau ou canif haut de gamme peut être un objet magnifique, mais même prévenu des ravages de l’inflation, il m’arrive d’être abasourdi par les prix pratiqués pour certains articles dans les coutelleries et armureries des beaux quartiers.

  8. Ces rendez vous de passionnés de coutellerie se déroulent toujours dans la camaraderie , la joies et la cours au couteau convoité . il y en a de toutes sortes de trés grandes lames , de petits bijoux finement gravés de trés rustiques d’autres pour sortir dans les 3 étoiles , des mécanismes aussi ingénieux qu’ajustés à la perfection certains pour lutter contre les zombies ! des formes travaillées avec des lames dans des aciers de folie produits par des forgerons géniaux . allez venez à Thiers depuis 20 ans je n’ai vu aucun couteau fou mais le génie humain applique à la coutellerie .

  9. On ne solutionne pas un problème en le prenant à l’envers. Cette histoire de couteau vient de l’entrée sur notre territoire d’un peuple qui refuse nos mœurs et qui ne respecte rien. Même pas nos vieux dont je commence à faire partie. La faiblesse des français alliée à l’absence de représailles légales ou moins ont instauré un climat d’impunité.

  10. Un paysan est mort à cause d’un accident dû à une moissonneuse batteuse en 1989 … Il serait « grand temps » que les moissonneuses batteuses soient interdites d’utilisation ! …

    • Oups là : Plus d’un ! J’en connais au moins deux dans ma belle-famille de « cultivateurs »: L’un passé aussi sous la moissonneuse en 1968, l’autre resté avec un bras arraché en moins. Dangereux ces engins modernes en acier! Du temps du labour, des semailles et des récoltes au cheval de trait, à la charrue et à la faux (engin dangereux aussi !), c’est le coup de sabot du cheval ou de la vache qu’on craignait ! (deux estropiés aussi, cette fois-ci dans la mienne, de famille..)

  11. L’interdiction du couteau ne sera jamais respecté par ces racailles alors nous ne nous priverons pas d’avoir toujours sur nous notre bon couteau très utile pour les champignons , le saucisson , ouvrir une bouteille etc …..Objet indispensable pour tout bon français qui se respecte . Punir les innocents ne sevira à rien et n’arrêtera pas ces voyous alors foutez nous la paix .

    • Par lacheté, nos dirigeants et nos juges, préfèrent la sanction collective à l’individuelle, c’est plus facile et pourtant interdit ! Voyez l’exemple des radars sur les routes

    • Ma parole, ils veulent interdire pes piques-niques ? Il va falloir acheter des baguettes aux chinois pour manger et revoir toute la cuisine française… Cassez le thermomètre ne solutionne rein ! Au secours, ils sont fous.

  12. Bel article. La coutellerie se porte bien à Thiers. Du moins pour un certain nombre d’ entreprises, pour ce que j’en sais. Cité très calme, en effet.

  13. Lorsqu’on passait par Thiers dans les années 60 en enfilade des boutiques de coutellerie on apercevait les ateliers donnant sur la rivière.

    • Le couteau est a usages multiples parfois même pour se défendre.Mais ça on  »a pas le droit. Il faut se laisser tuer,faire des marchés blanches et des :plus jamais ça et d’autres conneries de ce genre.

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