Vive le Sénat !
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Ce n'était pas assez que la gestion erratique de l'affaire dite Benalla révèle, pour sa substance principale comme pour ses dérivations, des dysfonctionnements certains et de troubles obscurités, en tout cas un univers élyséen guère à la hauteur de ce que le citoyen même de bonne foi était en droit d'attendre de lui.
Il aurait encore fallu que la commission sénatoriale - remarquable compensation de la déplorable abstention de la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale - se limite dans ses investigations, ne s'attache qu'aux "lampistes" selon une tradition trop française et soit frappée, sous l'autorité éclairée du président Bas, d'une révérence de principe à l'égard d'un monde présidentiel englué dans une administration équivoque de cette crise Benalla et autres.
Elle a saisi, au contraire, le président du Sénat de la situation de cinq personnalités - évidemment Benalla et Crase, mais aussi de trois autres proches - dans des fonctions différentes, du président de la République soupçonnables de faux témoignage.
Le Bureau du Sénat a décidé de transmettre à la Justice l'ensemble de ces mises en cause en lui laissant le soin, après enquête et possible ouverture d'information, de déterminer leur validité et leur pertinence. Il va de soi que le procureur de la République appréhendera ce dossier avec toute l'indépendance et la compétence requises.
Qu'il n'y ait eu aucun désespoir républicain, de la part du Sénat dont la majorité est à droite, à engager ce processus est une évidence. Mais l'essentiel n'est pas là. Que, par ailleurs, le président Larcher qu'on décrivait comme indécis n'ait pas été sensible à la fragilisation durable du président de la République serait faux.
Ce qui compte n'est pas l'inspiration, partisane ou non, mais l'examen de la sincérité de quelques propos dont il convient de vérifier s'ils ont délibérément dénaturé le réel tel qu'il a été relaté et décrit à la commission sénatoriale. Ce n'est pas un "procès politique" - difficile d'évacuer la politique du Sénat, mais ce n'est pas un procès, pas encore ou peut-être jamais -, contrairement à la charge partiale contre la haute assemblée accusée, elle, faussement de partialité parce que le droit, en l'occurrence, dérange.
Ce pouvoir manque singulièrement de fair-play démocratique. Le Premier ministre boycotte la séance de questions au gouvernement au Sénat et le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand - attitude infiniment répréhensible de la part d'un personnage capital dans notre organisation politique et qui devrait donner plus que tout autre l'exemple - fera défaut au président du Sénat alors qu'il devait le rejoindre.
Quelle entorse à l'élégance républicaine !
Je comprends bien le désarroi de ces autorités tellement habituées - les quinquennats précédents en sont la preuve, notamment pour l'environnement du Président Sarkozy - à l'impuissance et à l'inertie des contre-pouvoirs qu'elles pouvaient espérer malicieusement la continuation de cette incurie.
La commission sénatoriale et le Bureau du Sénat ont mis bon ordre à cette perverse aspiration.
Je regrette - et je ne suis pas un fanatique de la haine anti-Macron - que ce pouvoir pèche sur le plan de la cohérence. Alors que ce que la France vit et subit depuis plusieurs mois, avec des conclusions politiques et sociales attendues avec impatience, exigerait partout un comportement exemplaire sur le fond comme pour la forme, l'inverse se produit.
Et les réactions à l'encontre du Sénat, celui-ci ayant eu le front de ne pas estimer que les errements, le fait du prince étaient dérisoires et ne méritaient pas d'être scrutés de près, sont tristes de la part d'un pouvoir qui ne va pas bien et à l'égard d'une France qui n'avait pas besoin de cela. Le premier paraît accumuler, pierre après pierre, tout ce qui risque d'entraver la construction ou la restauration d'un avenir meilleur.
Le manque de fair-play démocratique est un nouvel accroc dans le vêtement de l'État.
Alors, vive le Sénat, puisqu'on ne nous laisse pas le choix !
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