Vladimir Poutine et Recep Erdoğan se rencontrent en Iran : les USA défiés, l’Europe ignorée

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Ce mardi 19 juillet, Vladimir Poutine était en visite officielle en Iran, en compagnie de son homologue turc, Recep Erdoğan, à l’occasion du sommet d’Astana. Pour le maître du Kremlin, il s’agissait de sa troisième rencontre avec le président iranien Ebrahim Raïssi en un an et la cinquième fois qu’il était invité par le Guide suprême, l’ayatollah Ali Khamenei.

Il y a quelques jours, le président Joe Biden effectuait lui aussi une tournée au Proche et Moyen-Orient ; mais avec un succès plus que mitigé. En effet, ce n’est un secret pour personne que la Maison-Blanche, de Barack Obama à Joe Biden en passant par Donald Trump, se désengage de cette région du monde, tout occupée qu’elle est dans son bras de fer avec la Chine pour la maîtrise de l’océan Pacifique. La preuve en est qu’elle a récemment laissé les mains libres au trio Moscou-Ankara-Téhéran pour gérer la guerre contre l’État islamique.

L’un des premiers chefs d’État à prendre acte de cette donne nouvelle ne fut autre que l’ancien Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, qui a rapidement tout mis en œuvre pour resserrer les liens avec la Russie et la Turquie, histoire de contrebalancer l’éloignement programmé de son puissant parrain américain. Dans le même temps, l’Arabie saoudite renouait des liens normaux, à défaut d’être tout à fait cordiaux, avec son rival perse et chiite l’Iran.

Résultat : toutes les nations là-bas concernées, État hébreu y compris, refusent de se voir enrôlées dans l’actuelle croisade antirusse menée par des USA prêts à se battre contre Moscou jusqu’au dernier Ukrainien.

Soit l’occasion, pour Vladimir Poutine, de démontrer qu’il n’est pas seul face à une « communauté internationale » réduite à Washington et ses vassaux. Et également celle, pour Recep Erdoğan, de démontrer qu’il a toujours vocation à être, fort de sa place dans l’OTAN, faiseur de guerre ou de paix. Sans oublier Ali Khamenei qui rappelle opportunément que, sans l’Iran, rien de durable ne peut se faire en cette partie du monde.

C’est donc à cette aune qu’il faut interpréter le discours du Guide suprême, relayé par le Teheran Times, le quotidien anglophone iranien : « L’Occident refuse l’existence même d’une Russie puissante et indépendante. » Et ce journal de noter : « La coopération entre Téhéran, Moscou et Ankara peut aider à instaurer une paix pérenne dans la région, au contraire des propositions de Joe Biden qui ne paraissent pas avoir convaincu grand monde. » Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, semble être sur la même longueur d’onde, toujours à en croire le Teheran Times : « La coopération avec l’Iran n’a rien de conjoncturel. Il s’agit d’une alliance géopolitique à long terme, fondée sur des bases historiques solides. »

Il est vrai que pour la défense de son territoire, Téhéran doit beaucoup à Moscou. Sans ses missiles SS-300, jamais le territoire iranien n’aurait été ainsi sanctuarisé contre toute forme d’agression aérienne.

De son côté, Recep Erdoğan, malgré des rapports historiques bien plus houleux avec la Russie, a toujours su raison garder. Mieux : ce sultan ottoman qui se verrait bien leader de l’islam sunnite sait mieux que personne qu’il lui faudra composer avec celui de l’islam chiite, quitte à faire front commun contre l’Arabie saoudite, elle aussi sunnite, et gardienne des lieux saints musulmans.

Dans cet échiquier diplomatique, on remarquera juste l’absence de l’Europe en général et de la France en particulier. Mais il est vrai qu’ici, il y a manifestement mieux à faire, entre lutte contre l’homophobie, violences faites aux femmes et dérèglement climatique. On a les combats qu’on peut. En attendant, l’Histoire continue de s’écrire ; sans nous, manifestement.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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