Voile islamiste : Gérard Collomb et Tareq Oubrou, même combat ?

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Entre gilets jaunes, grève des urgentistes et des pompiers, grogne des policiers et des militaires, des cheminots et des professions libérales, des manifestations de retraités qui ne sont pas pour la réforme des retraites et ceux qui sont contre celle de la PMA et de la GPA, la France serait-elle en train de craquer ? Surtout au moment où d’autres revendications se font de plus en plus pressantes, de plus en plus oppressantes, concernant le voile islamiste.

À ce sujet, interrogé ce dimanche sur RTL, le très mesuré maire de Lyon et ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, à la fois pionnier du macronisme et premier déçu par ce dernier, met en garde contre « la tentation de faire de nouvelles lois », tant leur application peut s’avérer « plus difficile ».

À une coercition législative, de fait inapplicable, il préfère donc en appeler à la « culture », la « pratique » et la « connaissance ». En effet, rappelle-t-il non sans raison, « ce voile peut se porter de manière différente. Si vous regardez les différentes pratiques de l’islam à travers le monde, vous vous apercevez que les femmes portent le voile de manière totalement différente. […] Ce qui est dommageable, c’est quand, à un moment donné, vous n’avez plus que des femmes avec des voiles et ça, ça se combat par la culture et l’éducation. »

Bien vu ; et assez en accord avec ce qui était récemment écrit sur ce site. Ainsi, il y était rappelé la fameuse affaire du voile de Creil, en 1989. À l’époque, auditionné par l’Assemblée nationale, le député européen Bruno Gollnisch estimait que l’occasion était rêvée de sortir de cette crise par le haut en rétablissant l’uniforme à l’école, tout en coupant court aux polémiques à venir.

Trente ans plus tard, Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, vole, peut-être à son corps défendant, à la rescousse de l’élu lepéniste d’alors, à l’occasion d’un très roboratif entretien accordé au Point, le 13 juin dernier : « Depuis les années 1980, l’islam en France est entré dans une surenchère des pratiques et des revendications, provoquant des réactions de plus en plus hostiles. Pour moi, la “discrétion” est aujourd’hui la seule solution pour préserver la démocratie. »

Et quand on lui demande s’il n’est pas « humiliant pour les musulmans de pouvoir se sentir citoyens de secondes zone », le théologien, passé par le mouvement piétiste du Tabligh, celui des Frères musulmans, mais surtout attaché à la tradition spirituelle soufie, de répondre : « Pourquoi ? Il s’agit d’être visible dans la modestie. Je veux que les musulmans soient dignes, mais pas fiers, une fierté d’orgueil. D’ailleurs, le mot de fierté (fakhr) est péjoratif dans certaines paroles du prophète. Et la modestie implique la pudeur, qui est au cœur des enseignements de l’islam. »

Nous voilà donc bien loin de la pleurnicherie, revendicative et subventionnée, du CCIF (Comité contre l’islamophobie en France), sorte de sous-CRIF - son équivalent juif au rabais.

Mieux encore : « Mettre un foulard pour se revendiquer musulmane, c’est vouloir attirer l’attention et se présenter comme un témoin de l’islam. Mais, contrairement à ce que qu’affirment certains défenseurs de l’identité qui ne connaissent pas les textes, le musulman n’a pas à être prosélyte ni même témoin de sa foi. Dès que l’on montre sa foi, on l’altère. »

Tel que dit par l’ancien locataire de la Place Beauvau, tout cela est autrement plus complexe qu’il n’y paraît. Et Tareq Oubrou, chargé avec Ghaleb Bencheikh, souvent cité en ces colonnes, aujourd’hui sommé par l’État de remettre un semblant d’ordre dans l’islam français, de mettre le doigt où cela peut faire mal en ces revendications identitaires menées sous pavillon religieux : « On voit la fille qui met le foulard, mais pas celle qui l’abandonne. On pense que l’islam se développe, mais ce n’est qu’une visibilité ressentie. La religiosité que l’on voit augmenter n’est que de façade, surtout chez les jeunes. On bascule vite aujourd’hui d’un site salafiste à un site porno. »

Comme quoi nous serions autrement mieux inspirés de plus prêter une oreille attentive à un Tareq Oubrou qu’à une Marlène Schiappa.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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