Voitures thermiques : le prévisible rétropédalage allemand ?

electric-car-g5a5c916f8_1920

Le 8 juin 2022, l’Union européenne avait validé la directive visant à interdire la commercialisation des voitures et petits utilitaires thermiques et hybrides à partir du 1er janvier 2035. Cette décision faisait alors implicitement de la mobilité électrique une « thérapeutique » universelle pour remplacer la mobilité thermique.

Dans une étude disponible sur le site de l’Institut Sapiens, nous avions démontré l’aberration quant à l’utilisation de véhicules électriques (VE) sur longue distance, notamment les jours de « grande transhumance ». Nous avions aussi établi que leur bilan carbone s’avérait rapidement catastrophique dans le cas d’un mix électrique non totalement décarboné mais aussi dû aux importantes émissions grises liées à la fabrication des batteries. Ainsi, sur l’ensemble du cycle de vie, les émissions grises pouvaient rapidement rendre une routière électrique davantage émettrice que sa concurrente thermique de dernière génération.

Pénalisante pour le citoyen sur le plan de l’usage, cette décision purement dogmatique était aussi très lourde de conséquences pour l’industrie automobile européenne, obligée de se restructurer totalement en moins de quinze ans. Rappelons que la filière automobile produit 7 % du PIB européen et y emploie 10 % de la main-d’œuvre manufacturière (soit 12,6 millions de personnes, tous secteurs confondus). Sans parler de la dépendance aux métaux rares (cobalt, graphite, lithium) utilisés dans les batteries et provenant principalement de Chine. Ce choix du « tout électrique » tuait aussi de facto les biocarburants (bio diesel, éthanol) et les e-fuels (carburants synthétiques fabriqués à partir d’hydrogène et de dioxyde de carbone).

Fortement critiqué depuis son approbation, le texte avait été adopté par le Parlement européen à 340 voix pour, 279 voix contre et 21 abstentions, le 14 février 2023. Pavoisant après ce vote, l'eurodéputée écologiste Karima Delli présidant la commission des transports avait parlé d'« un accord historique réconciliant deux frères ennemis : l'automobile et le climat ». Le développement humain dont la voiture individuelle est un des symboles n’a jamais été l’une des priorités des Verts !

Approuvé par les eurodéputés, le texte devait être définitivement entériné le 7 mars 2023. Coup de théâtre : Berlin a décidé de sursoir le vote, argumentant qu’en l’état, le texte ne permettrait pas l'utilisation de carburants verts (biocarburants ou carburants synthétiques). Empêchant de réunir la majorité nécessaire, la position allemande reporte de facto l’approbation du texte aux calendes grecques. La volte-face est d’une hypocrisie prodigieuse : peut-être le ministre vert des Transports aurait-il dû, avant de prendre ses fonctions, faire un stage accéléré de mécanique pour comprendre que les carburants verts ne peuvent alimenter un moteur électrique !

Dans les faits, l’Allemagne se rend compte un peu tard des conséquences dramatiques qu’aurait cette directive sur son industrie automobile. Par le mensonge, elle rejoint ainsi les positions bien plus transparentes de l’Italie. Fraîchement élu, le gouvernement de Giorgia Meloni avait ouvertement critiqué les objectifs du « Green Deal européen ». Réduire les émissions de 55 % d'ici 2030 et bannir la vente des voitures thermiques en 2035 pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050 serait synonyme de casse sociale dans un pays où le secteur automobile emploie près de 280.000 personnes. Pour calmer les velléités italiennes, une dérogation d’une année supplémentaire (appelée « amendement Ferrari ») avait été accordée aux constructeurs de voitures de luxe.

Cette pièce de théâtre tragico-comique est, une fois encore, le résultat d’incorrigibles « agendas inversés » décrétés sous la pression de lobbies verts. 2035 ne repose sur aucun fondement rationnel. Cette date résulte simplement de la différence entre 2050 (neutralité carbone = zéro voiture thermique) et la durée de vie d’une voiture thermique, en moyenne, de quinze ans.

Patron de Stellantis, Carlos Tavares, confirme qu’il s’agit « d’un choix politique et non pas industriel » considérant que « l’Europe fait tout à l’envers ». La séquence rationnelle consisterait à d’abord se poser la question de la production d’électricité décarbonée, puis de de l’acheminement de cette électricité vers l’utilisateur pour, enfin, permettre un usage à la fois rationnel et respectueux des objectifs climatiques. La décision irresponsable de l’Europe risquait de plonger dans l’inconnu les motoristes priés de reconstruire leurs chaînes de fabrication de A jusqu’à Z, mais aussi les automobilistes. Sans parler du prix encore pour longtemps au-dessus du seuil d’acceptabilité de la majorité de la population. Ne nous faisons pas d’illusion, la suspension allemande ne signifie en rien l’abandon du projet !

Pourtant, ce serait aux consommateurs européens et non à la bureaucratie bruxelloise de décider du futur de leurs mobilité. La réduction des émissions de gaz à effet de serre ne justifie en rien de renoncer à notre liberté individuelle, creuset du développement humain, pour plonger dans un monde totalitaire risquant de faire bien plus de victimes que le réchauffement climatique.

Picture of Philippe Charlez
Philippe Charlez
Ingénieur des Mines de l'École polytechnique de Mons (Belgique), docteur en physique de l'Institut de physique du globe de Paris, enseignant, membre du bureau politique de Identité-Libertés.

Vos commentaires

45 commentaires

  1. le jour où la spécialité « caprice » cessera d’être enseignée et utilisée par les écologistes, l’écologie et le monde des humains s’en portera mieux. Toutes leurs « inventions » sont généralement des catastrophes pour le monde naturel. Exemples. : la voiture électrique, les éoliennes, …

  2. Certains allemands ne veulent pas répéter l’erreur de l’abandon du nucléaire. Et c’est rassurant.
    Quiconque qui a encore le sens des responsabilités ne peut d’ailleurs remplacer une technologie par une autre sans s’être assuré, auparavant, que la nouvelle technologie est viable, meilleure et plus efficace.
    Les énergies renouvelables intermittentes et la batterie électrique sont encore loin d’avoir fait leurs preuves pour pouvoir raisonnablement abandonner le nucléaire et le moteur thermique.

  3. L’obsession environnementale et la phobie du  » réchauffement climatique  » dérèglent, hélas, le raisonnement humain ! Le bon sens est, à de nombreux égards, la seule et véritable écologie qui vaille….mais malheureusement est une valeur en voie de disparition ! Pauvre planète !

  4. Et les allemands rouleront dans des voitures au charbon vu qu’ils ont détruit le nucléaire français . Et les français , les dindons de la farce pédaleront .

  5. Les voitures électriques ne sont valables que pour les courts trajets dans les grands centres urbains. ET c’est tout ! Vouloir légiférer comme l’avait fait les allemands prouve que ces écolos ne connaissent strictement rien à la technique des moteurs. Commençons déjà par électrifier les cars longue distance et les poids lourds. On passera ensuite aux voitures particulières s’il y a lieu.

  6. Les Allemands sont plus pragmatiques et moins idéologues que les Français (ce qui n’est pas très difficile) et sont capables de faire rapidement machine arrière quand ils se rendent compte qu’une politique aberrante mène à une impasse. Comme ce sont eux qui généralement dictent leur loi à l’Europe de Maastricht, souhaitons que la France et d’autres pays reviennent aussi sur cet objectif insensé.

  7. Qui plus est, l’Europe et nos constructeurs ont retenu la batterie comme source d’alimentation. Nous ne serons jamais concurrentiels par rapport aux produits chinois. Nos charges pénalisent trop nos coûts. L’industrie chinoise pénètre déjà nos marchés à des prix aguichants. Il leur manque encore les réseaux. Mais ils savent se remuer. Nous allons les découvrir rapidement. Nos constructeurs devaient se lancer directement vers l’hydrogène, une source d’énergie pour laquelle la Chine est en retard. Nous avons loupé le coche.

  8. Ne voyez-vous pas d’un bon oeil la perspective d’une réduction de nos importations de pétrole des pays arabes ? La France a et aura une grande production nucléaire qui lui assure son indépendance énergétique.

  9. Comme je l’écrivais il y a deux jours sur ce même site, voilà comment on détruit l’industrie du voisin pour avoir le monopole.
    Avant, c’était la guerre (14 et 40), maintenant, c’est la ruse ! Quand les français comprendront-ils qu’il est plus qu’urgent de quitter l’U.E ?

  10. On a tué les centre villes, maintenant il faut les sauver, on a réduit le nucléaire maintenant il faut le relancer, on a tué
    l’agriculture maintenant il faut la sauver, on a tué l’industrie maintenant il sauver l’industrie, et bientôt le moteur
    thermique ? et les français ont sauvé Macron!!!

  11. La voiture électrique est une erreur monumentale , beaucoup de gens qui se sont achetés une voiture électrique s’empressent d’essayer de la vendre aujourd’hui , si vous en cherchez une d’occasion, il y en des milliers à vendre aujourd’hui .

  12. Certes l’Europe fait tout à l’envers, et la France aussi. Pourquoi sommes nous encore dans le marché européen de l’énergie (qui fiait exploser l’inflation chez nous, car les entreprises ont des coups de dingue, mais pas le pognon qui vient avec). Ah oui, le Allemands veulent bien réformer mais après les euro de l’an prochain. Et notre toutou vizirette national, ne voulant pas affaiblir le « couple » franco-allemand, dont la France est la seule à croire qu’il s’agit d’un coule, ne fera donc rien !
    Affaiblir les Français est en fait son seul but !

  13. De toutes les mesures irresponsables, celle-ci est certainement la pire. On aime prendre des oukases à 20 ans d’intervalle comme la réduction du nucléaire, mais le moment venu, on s’aperçoit de la stupidité de ces mesures et il est trop tard pour faire machine arrière. L’occident est vraiment trop bête et toujours prêt à fabriquer la corde pour se faire pendre. Les Chinois savent très bien en profiter, eux qui savent faire payer à leurs citoyens, la balle qui va leur être tirée dans la tête.

  14. Cette fois on peut être d’accord avec les puissances de l’axe de ne pas se jeter dans le vide électrique

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

ZFE : quand les écolos font la guerre aux pauvres

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois