Von der Leyen obtient la peau de Breton : les Européistes s’entre-dévorent

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Que se passe-t-il, à Bruxelles ? La démission de Thierry Breton de ses fonctions de commissaire européen chargé « du Marché intérieur, de la Politique industrielle, du Tourisme, du Numérique, de l’Audiovisuel, de la Défense et de l’Espace » et son remplacement par le très serviable macroniste Stéphane Séjourné pose quelques questions.

D’abord, celle de la position de Thierry Breton. Le PDG romancier, devenu le symbole de la chape de plomb posée sur la liberté d’expression par l’Europe, était donc moins solide qu’il n'en avait l’air. Le menaçant subissait lui-même des menaces. Un mot de sa lettre de démission laisse perplexe : il évoque la gouvernance « douteuse » d’Ursula von der Leyen. On comprend que, « le 24 juillet, Macron l’a désigné comme le candidat officiel de la France pour un second mandat au collège des commissaires ». Comme il prolongeait son mandat, la France pouvait se contenter de proposer un seul candidat : lui-même, donc. L’assurance d’une reconduite paisible dans ce poste très influent.

La voix de Macron ne compte plus

Le 25 juillet, Macron confirme et propose comme convenu son ami Breton comme candidat pour un second mandat, publiquement. Mais voilà : quelques jours plus tard, dans la dernière période des négociations, explique Breton dans sa lettre, von der Leyen demande à la France de retirer le nom du Français « pour des raisons personnelles dont ils n’ont pas parlé directement », écrit toujours Breton. Diable ! Lesquelles ? Résultat : Breton fait sa valise et son ennemi juré Elon Musk, le propriétaire de X, peut sabrer le champagne. Premier constat : « la voix du président de la République ne compte pas beaucoup », constate le député européen RN Jean-Paul Garraud, joint par BV. Macron aura donc immédiatement ravalé sa superbe, repris sa décision et couché les pouces devant von der Leyen. Grandeur de la France, qu’es-tu donc devenue ?

Il faut dire que, jusqu’au bout, avec une admirable application, Thierry Breton aura réussi à incarner le pire de l’Europe déconnectée, autoritaire et liberticide, menaçant les réseaux sociaux de sanctions financières prohibitives au cas où certains twittos sortiraient des clous imposés. Confiant à Facebook, X et consorts le soin de faire la police, et avec zèle. Séjourné enterrera-t-il cette machine à écraser les mots et les idées ? Rien n’est moins sûr…

L'Élysée fort Chabrol

D'autres questions qui en disent long sur le fonctionnement de l’Europe et sur la pauvre peau de chagrin qu’est devenue la souveraineté française, par la volonté des élus représentants du peuple français. Un comble ! On s’étonne, ainsi, de voir nommé à ce poste majeur en Europe et particulièrement dangereux le très falot Stéphane Séjourné, éphémère ministre des Affaires étrangères marqué par l’aveu de ses difficultés de lecture. Séjourné n’a pas été porté à la Commission par le talent. Alors, à quoi ou à qui doit-il ce poste ?

Par ailleurs, « il semblerait que la nomination de Séjourné ait eu l’accord du Premier ministre Michel Barnier, avance Jean-Paul Garraud. Au-delà de la personne de Séjourné, nommer un macroniste pur sucre pour représenter la France signifie que la politique du pays sera la même ». Comment la stratégie d'indépendance prônée par Barnier lors des débats pour la présidence LR en 2021 s'accommodera-t-elle d'un Séjourné au poste de Breton ?

Caparaçonné dans un Élysée qui prend peu à peu des allures de fort Chabrol, le très européiste Président français verrouille sans doute le dernier carré de son champ d’intervention, son domaine réservé et la passion d’une vie : l’Europe supranationale qu’il sert fidèlement depuis ses débuts en politique. Le voici sous haute surveillance de celle qu’il rêva de remplacer un jour : von der Leyen est désormais embarquée dans les flots tumultueux qui agitent la barque du mondialisme et sa version régionale, l’Europe. Jean-Paul Garraud voit dans le départ soudain et emblématique de Thierry Breton « la fin du cycle maastrichtien », résultat de la poussée des droites patriotes dans tout l’Occident.

Quand Breton attaquait Ursula

C'est surtout l'histoire d'une basse vengeance. Déstabilisée par des frondes au sein même de son propre parti, le PPE, von der Leyen a bien subi les attaques de la droite patriote. Mais elle a aussi essuyé celles d’un certain… Thierry Breton. Le commissaire français au Marché intérieur s’était moqué des résultats électoraux de la présidente de la Commission au sein de son propre parti, le PPE, en mars dernier, lors de sa désignation comme candidate. Il doutait ouvertement de sa légitimité pour un second mandat, comme le racontait notre ami Sirgant.

Car l’ambitieux Breton rêvait grand - pourquoi pas le fauteuil de von der Leyen ? - et misait sur les succès électoraux de Macron. Raté ! Il a, du coup, vendu un peu trop tôt la peau de l’Ursula : « Malgré ses qualités, Ursula von der Leyen est mise en minorité par son propre parti, écrivait-il, le 7 mars dernier, dans un tweet qu'il aura le temps de regretter. La vraie question, désormais : est-il possible de (re)confier la gestion de l’Europe au PPE pour cinq ans de plus, soit vingt-cinq ans d’affilée ? Le PPE lui-même ne semble pas croire en sa candidate », exécutait l’insolent commissaire. Il avait été rapidement recadré. « Von der Leyen n'a pas pardonné, explique à BV Fabrice Leggeri, ancien patron de Frontex devenu député européen RN, fin connaisseur des arcanes de l'UE. Affaibli en France après ses revers électoraux, Macron est, du coup, faible en Europe ». Il n'aura pu soutenir Breton. Dans le clair-obscur du Babel européiste, les fauves supranationaux s’entre-dévorent. On attend maintenant la suite du spectacle.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

75 commentaires

  1. La Présidente de la Commission de Bruxelles madame Ursula Von der Leyen est en train de mettre sous sa coupe et sous tutelle ! La Présidence de la République Française, monsieur Emmanuel Macron ! Monsieur Macron ne décide plus rien ! Il ne dirige plus rien ! Il es tout juste la pour inaugurer les Chrysanthèmes ! Au bout de 10 jours Michel Barnier n’arrive toujours pas à constituer son gouvernement ! Il ferrait bien de se poser la question pourquoi ?? Est ce que le problème ne viendrait pas du Président de la République lui même , dont plus personne ne veux ! Pas même Ursula Von der Leyen ! Hervé de Néoules !

  2. Un homme expérimenté qui faisait de l’ombre et tenait tête à l’impératrice est remplacé par un jeune homme novice et bien obéissant .

  3. Rien n’obligeait Macron à céder devant von der Leyen, et rien n’obligeait Breton à démissionner. La question est donc de savoir ce qui se joue entre un Macron, président d’un pays en faillite financière, et une von der Leyen, qui pourrait quasiment mettre la France sous tutelle.

  4. Pour devenir empereur du Grand Empire Euro Germanique, faut-il encore être maître chez soi.
    Sinon, on reste un petit maître.

  5. Monsieur Breton, qu’on l’apprécie ou non, est une sacrée pointure. L’Union Européenne perd lourdement en qualité…Ursula mérite bien ce camouflet…Monsieur Macron aussi…dont le choix du successeur laisse pantois.

    • Je continue de rire. Breton jeté, Macron rampant, et le peuple baissant la tête. C’est la France d’aujourd’hui.

    • Breton est une « sacrée pointure » pour planter tout ce qu’il touche. Il a laissé toutes les entreprises qu’il a dirigé en très grande difficulté voire en quasi faillite comme Atos. De plus ce type veut utiliser le concept on ne peut plus flou de « haine en ligne » pour faire taire tous ceux qui ne sont pas dans la doxa centriste. Pour ma part je préfère que toutes les opinions, même les plus douteuses puissent s’exprimer car sur X il y a toujours moyen de les contrebalancer par d’autres opinions !
      Et entre un Elon Musk qui crée des entreprises et un Thierry Breton qui démolit des entreprises, y pas photo comme on dit !

    • N’aurait il pas donné sa démission parce qu’ on lui a peut être proposé une place dans le futur gouvernement ? Il n’est pas dans ses habitudes de plier si facilement !!avec Barnier cela fait deux personnes opposés à la yène VDL.

  6. L’imbroglio politique imposé à la France par Macron, lui enlève toute crédibilité, auprès des Français, mais fragilise la France en Europe et à travers le monde. C’est un triste constat ! ce n’est pas faute d’alertes en tout genre, le mal étant fait ! Qui va pouvoir nous sortir de cette « mélasse » ? Une majorité de Français ne voulait plus de l’Europe, sous cette forme, merci Sarko ! Il faut revoir tout ça rapidement. L’Europe économique est trop injuste, c’est devenue une usine à gaz, trop lente, trop restrictive, par des normes écologiques inapplicables. Tout vol en éclat selon la volonté de la puissante économie allemande construite sur le dos des autres partenaires Européen, ça ne marchera jamais. L’Europe de la sécurité, des alliances militaires bilatérales ou triparties, avec des moyens financiers et industriels communs, aurait plus d’utilité, en particulier pour calmer l’appétit de l’ours Russe. Pour la construire rapidement, il faut repartir de préférence de l’alliance Franco-Anglaise (qui a fait ses preuves lors de la construction du Concorde) et associer d’autres Pays Européens, qui ne veulent pas adhérer à une Europe fédérale. Surtout ne pas reconstruire une usine à gaz incontrôlable par les Élus.

    • Cessez de parler de l’appétit de l’ours russe. Mettez-vous à la place de Poutine et voyez que l’Europe, téléguidée par les biden & co a acculé la Russie. Maintenant, le dentifrice est sorti du tube et bien malin celui qui l’y fera rentrer.

      • « Cessez de parler de l’appétit de l’ours russe », oui cessez et essayez de vous informer réellement (autrement que par la TV aux ordres de Macron donc des USA) et de réfléchir. Vous serez surpris de constater et comprendre d’un seul coup : que Poutine se moque éperdument de l’Europe (qu’il va laisser mourir gentiment sans lever le petit doigt) et qu’il va continuer de porter tous ses efforts au développement de la place de la Russie dans le monde. Préparez vos mouchoirs le temps des larmes arrive….

    • Je vais paraitre particulièrement politiquement incorrect , mais je pense que la Russie, par l’ immense potentiel de ses ressources était plus une véritable opportunité pour l’europe qu’un réel danger .
      Après , il fallait savoir quelle aurait été la contrepartie politique de ce que les russes auraient mis à disposition de l’UE ?
      Parce qu’en toute chose il faut payer le prix et il faut être en capacité de negocier au mieux pour ses intérêts , ce que l’UE ne sait pas faire .
      Je comprend les américains qui ne pouvaient accepter d’être relégués à n’être que des interlocuteurs de seconde zone, alors qu’ils assurent la défense européenne , il est vrai, plus, par geo stratégie que par pur soucis de garantir notre sécurité et surtout nos intérêts .

  7. Au delà de l’éviction de M. Breton, on est en droit de comprendre un tel pouvoir de Mme Von der Leyen , qui dirige l’Europe telle une Impératrice , faisant plier les plus forts comme les plus faibles ; elle a su imposer à Mme Meloni ses idées sur le sujet de l’immigration (certes les subventions de l’Europe à la clef) , mais baisser ainsi les bras devant cette dame , n’y a t-il pas un moyen de la renvoyer puisqu’ on a pu le faire pour Thierry Breton.

    • In fine, Mélonie fait son chemin tranquille, et l’immigration elle l’a renvoie à ses dits partenaires, et elle a eu son fric..

      • Souhaitons le, car vu les « performances » du sieur Thierry dans le monde des affaires, la place près du radiateur lui sera réservé d’office.

  8. En espérant que ce Breton n’atterrisse pas au gouvernement Barnier, ce qui ne serait pas de bonne augure, car ce ne serait pas avec lui que nous aurions un gouvernement audacieux. Quant à son successeur Séjourné, à la Commission de la Stratégie industrielle de l’UE, on se demande où sont ses compétences en ce domaine, tant son patron Macron s’est montré parfaitement incapable de ne réindustrialiser que la France. Peut-être fera-t-il des cocottes en papier sur son bureau, réfléchissant à l’industrie, « à ce qu’ils ont besoin ».

    • Des cocottes en papier? Vu le niveau de ses prestations grammaticales et oratoires, pas certain qu’il ai appris les « cocottes en papier » à l’école … même entre deux siestes.

  9. Breton, le censeur censuré !
    Séjourné, marqué par l’aveu de ses difficultés de lecture, arrivera-t-il à comprendre les textes européens ?…
    Un Bescherelle serait un bon cadeau pour sa nomination.
    Macron, président conseiller général de la région France qui n’est plus une grande puissance uniquement par sa faute, s’est affaibli lui-même. Son rêve de Président de L’Europe s’effrite. Il n’a pas compris que pour s’affirmer à un tel poste, se faire respecter, il devait s’appuyer sur une France souveraine, forte économiquement et industriellement. Au lieu de cela, il n’a fait que courber l’échine, ramper avec obséquiosité, s’humilier devant Von der Leyen, devant les autres pays, ne récoltant que le mépris des chefs d’État étrangers.

    • Tout à fait d’accord. Depuis 7 ans, le but évident de Macron est de ruiner la France par la dette, pour qu’elle ne puisse plus être un état souverain, et que sa seule façon de subsister soit comme province au sein d’une entité qui se portera garante des remboursements de sa dette, ce qui lui évitera des intérêts exorbitants. Helas pour lui, Macron est donc devenu pour ses pairs un gouverneur de province dont les avis n’ont plus aucun importance sur le plan international. Il s’est sabordé lui-même !

  10. Qui regrettera T.Breton pas moi, ayant la double nationalité Franco/ Sénégalaise il pourra toujours proposer ses services à Bassirou Diomaye Faye qui sait à défaut de miracles, il assurera confortablement ses fins de mois…

  11. Ce n’est certainement pas pour ses facultés diplomatiques que Séjourné a obtenu ce poste grassement payé, il suffit de se rappeler ses dires et son comportement en tant que ministre des affaires étrangères….là encore on ne peut que constater la décadence de la France par macron.

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