Vote du budget : au fait, ça date de quand ?

Louis XVIII

Récemment, le député LFI Antoine Léaument, grand admirateur de Robespierre et républicain de haute école, attribuait à Jules Ferry, mort en 1893, la paternité de la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. Relativisons la bourde : l’insoumis aux petites lunettes rondes n’a pas confondu Jules Ferry avec Luc Ferry, ministre de l’Éducation nationale sous Chirac de 2002 à 2004. C’est déjà ça. Avouant avoir « un petit problème avec Jules Ferry » qui, selon lui, était « un grand raciste », Léaument a surtout démontré qu’il avait un petit problème avec l’Histoire. C’est ballot, lorsqu’on s’inscrit dans une généalogie républicaine bicentenaire, d’avoir ainsi des lacunes sur la vie de ses grands ancêtres. Alors, on imagine que s’il découvrait, grâce à cet article (on ne sait jamais !), que le principe du vote du budget de la nation par la Chambre des députés n’est pas un héritage de la Révolution mais de la Restauration, notre député tomberait probablement en PLS : mais qu’est-ce que vous nous racontez là, c’est la République qui a instauré le vote du budget de la nation, par la représentation nationale ! Eh bien, non !

1814 : la première loi de finances

Cela fait d’ailleurs tout juste deux cents ans, à quelques mois près, que le baron Louis (1755-1837), ministre des Finances du roi Louis XVIII, rentré en France après que le Sénat, le 3 avril 1814, eut prononcé la déchéance de l’empereur Napoléon, présentait à la Chambre des députés « les motifs du projet de loi sur les finances ». Une première, dans notre Histoire ! Certes, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, à travers ses articles 13 et 14, avait reconnu la nécessité, pour « l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration » (on était encore loin de l’État nounou), d’« une contribution commune » (en clair : l’impôt) devant « être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés », et reconnu le droit des citoyens de « constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». Mais cette déclaration de principe ne s’était pas concrétisée, car jamais les gouvernements qui se succédèrent sous la Révolution et l’Empire né de cette Révolution ne soumirent le budget aux diverses chambres élues. C’est ce que fit le conseiller d’État Louis, un ancien ecclésiastique, fidèle de Talleyrand. Et sous la Première Restauration ! Certes, cette assemblée, appelée Chambre des députés des départements, instituée par la Charte constitutionnelle concédée par Louis XVIII et constituée à partir du Corps législatif de l’Empire, avait été élue par un corps électoral restreint, et la Charte réinstaurait le suffrage censitaire que la France avait connu sous la Révolution. Une Charte accordée, concédée et octroyée (il s’agissait de rétablir la fiction d’une restauration royale prérévolutionnaire) mais qui précisait tout de même qu’« aucun impôt ne [pouvait] être établi ni perçu s'il n'[avait] été consenti par les deux Chambres » (Chambre des députés et Chambre des pairs). Le fameux consentement à l'impôt !

Les quatre temps du budget

Par le dépôt de ce projet de loi, le baron Louis instaurait le mécanisme dit des « quatre temps alternés » qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Premièrement, l’exécutif prépare le projet de budget. Deuxièmement, le projet de budget est débattu, amendé le cas échéant, et adopté par le Parlement. Troisièmement, le budget adopté est mis en œuvre par le pouvoir exécutif. Quatrièmement, le Parlement contrôle a posteriori cette mise en œuvre. Louis allait au-delà de ce que la Charte prévoyait, et ce, dans un contexte budgétaire catastrophique (toute ressemblance, etc…) lié, évidemment, aux dernières campagnes napoléoniennes. Qu'écrivait Louis, dans le document envoyé à la Chambre ? « Nous venons, par ordre du Roi, vous présenter en son nom la situation des Finances de son royaume ; vous proposer de régler et de régulariser par une Loi le service des Recettes et Dépenses de 1814, de pourvoir à celui de 1815, et d’assigner au paiement des dettes antérieures au 1er avril 1814. » En clair, la dette contractée par Napoléon devait être honorée pour maintenir la crédibilité de la France sur les marchés. Rien de nouveau, en principe… Louis poursuivait : « En vous occupant des Budgets de l’État, Messieurs, votre fonction première sera de reconnaître la nature et l’étendue des besoins, et d’en fixer la somme. » C’était donc sous le règne du roi Louis XVIII…

« Faites-moi une bonne politique, je vous ferai de bonnes finances », affirmait le baron Louis. À méditer, en ce deuxième temps du cycle budgétaire…

Le baron Joseph-Dominique Louis

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

6 commentaires

  1. Si vous parlez de la  » restauration », il va croire que cela s’est fait dans un restaurant au cours d’une grande bouffe.

  2. Ah, si nos historiens faisaient leur boulot honnêtement et sans parti pris, nos politiques incultes et baratineurs ne se complaireraient pas dans les inepties et la bêtise.

  3. MERCI de nous avoir rappelé l’excellence de la formule : « faites moi une bonne politique, je vous ferai de bonnes finances »

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