Vous chantiez ? Eh bien, dansez maintenant !

La France préside le Conseil de l’Union européenne. Pour l’occasion, notre Jupiter national, déjà maître des horloges, s’est voulu métronome et commanditaire de ballets. Pour répondre au désir du prince, dans un salmigondis verbal indigeste à la mode d’aujourd’hui, le ministère de la Culture lance l’opération « Danse l’Europe ! » qui recouvre une « expérience artistique innovante, interactive, inclusive, largement ouverte à tous » en créant une « chorégraphie participative » imaginée par Angelin Preljocaj.

Le résultat est à la hauteur de la commande : dans l’enceinte du Parlement européen, des dizaines de jeunes ont gesticulé de façon disgracieuse en faisant des contorsions ne ressemblant à rien du tout. Un grand n’importe quoi censé représenter l’Europe d’aujourd’hui ! N’est pas danseur qui veut… C’est bien joli de vouloir être « interactif, inclusif et ouvert à tous », mais la danse, la vraie, ce sont des années d’efforts. On ne s’improvise pas Rudolf Noureev ! Vous pensiez voir Le Lac des cygnes, Le Sacre du printemps, La Traviata… ? Non, c’est beaucoup trop classique et ça fait trop ancien monde, limite ringard. Louis XIV se passionnait pour la danse, il avait même fondé l’Académie royale de danse, puis celle de musique, ce qui valut à la France de régner sur l’Europe, notamment par les arts. Mais c’était du grand art et qui perdure.

Que restera-t-il des gesticulations européennes que je n’ose appeler « danse » ? Le pire est que cette pantalonnade est prise très au sérieux alors que, dans le temps, sous la IV^e République par exemple, on gloussait des ballets roses et des ballets bleus… Finalement, ces « danses de l’Europe » sont bien à l’image de ce qu’est devenue l’Europe de Bruxelles aujourd’hui : du grand n’importe quoi expérimental, inclusif et largement ouvert à tous, c’est peut-être pour cela que ça ne fonctionne pas très bien, comme on a pu le constater une fois de plus lors de la crise sanitaire. Notre Jupiter national nous chante à longueur de temps les louanges de cet énorme monstre technocratique qu’est devenue l’Europe, il ne manquait plus qu’il nous fît la danse du ventre. C’est chose faite.