Vous étiez beau, Jean Lassalle, avec votre gilet qui les faisait rire jaune !

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Il est désormais formellement interdit, pour un homme, de complimenter le sexe opposé. Mais l’inverse est encore autorisé, non ?

Alors je vous le dis, Jean Lassalle, avec votre gilet jaune à bandes fluorescentes dans l'Hémicycle, je vous ai trouvé beau. Beau avec votre air renfrogné, vos cheveux en brosse, vos grosses paluches et votre nez cyranesque qui a dû dissuader la féministe la plus téméraire de vous suggérer le port du rouge à lèvres ou du stiletto-bas résille pour la Journée de la femme à l'Assemblée. Mais cette femme, vous la servez cent fois, mille fois mieux en défendant les maternités rurales qu’en rejouant "La Cage aux folles".

Vous aviez votre cravate bien tirée sous le gilet, comme s'il avait fait partie d’un costume trois-pièces de notable d’autrefois. Parce que vous n’êtes pas du genre à venir débraillé à l’Assemblée, comme Jean-Luc Mélenchon et sa garde rapprochée. Parce que vous savez très bien qu’être mal mis, de nos jours, traîner en savates sans cravate n’a rien d’insoumis ni de « peuple ». Cultiver le style débraillé n’est pas la marque du prolo mais le snobisme du bobo, son luxe, car si l’étudiant Nuit debout - dont Jean-Claude Michéa dit qu’il est l’exact opposé du gilet jaune - peut, sans dommage, traîner mal attifé, hirsute et mal rasé sur le bitume parisien, l’apprenti pâtissier, le charcutier frais émoulu de son CAP ne peuvent prendre les mêmes privautés dans la boutique où ils sont employés. Et leur cravate Leclerc coûte une misère, comparée aux colifichets d’antifas voulant se la jouer prolétaire.
Le peuple français, c’est vous : celui-ci sait s’endimancher dans les grandes occasions, par respect des gens et des institutions. Les autres se revendiquent bohême, quand vous, vous êtes bofême : le beauf-comme-on-les-aime. Et c'est un compliment.
L’insoumission, la transgression, c’est encore vous : face à votre gilet ensoleillé, les petites coquetteries vestimentaires de FI paraissent bien conventionnelles.

Je vous ai trouvé beau et déterminé, comme la France que vous représentez. Avec votre accent du terroir, votre prénom d’une si grande simplicité, d’une si grande banalité qu’on en trouve une palanquée sur tous les monuments aux morts français, votre façon de chanter "Se Canto", debout, à l’Assemblée, comme à la fin des fêtes familiales un peu arrosées, ou d’oser le paquito pour célébrer votre victoire de député, vous savez ce qui la fait vibrer.

Vous êtes fils de berger, vous en tirez une grande fierté. Et sur votre compte Twitter, on découvre la dédicace que vous a faite l’aîné de vos quatre enfants, Thibault, rugbyman, dans un portrait qui lui consacré : « Mon père, ce héros ! » Cette respectueuse affection ininterrompue dans la filiation… cela, aussi, suscite l'admiration !

Mais plus que beau, je vous ai vu surtout prêt - et c’est rare ! - à faire votre boulot. Qui est tout simplement de représenter la France, et de vous en faire l’écho, en faisant vôtres ses souffrances.

Ce n’est pas du chiqué, vous l’avez prouvé : en 2006, durant 39 jours, vous avez fait une grève de la faim - perdant 21 kilos - pour protester contre le risque de délocalisation d'une usine située dans votre circonscription.

Un autre Lasalle, général de cavalerie de son état - avec une particule en plus et un S en moins -, affirmait que tout hussard qui n'est pas mort à 30 ans est un jean-foutre.
Vous le faites mentir : vous en avez 61, et le hussard Jean que vous êtes en remontre à bien des freluquets de 30 balais.

Le dernier livre de Jean-Claude Michéa, justement, s’intitule Le Loup dans la bergerie et ceux qui, partout à la télé, se demandent, ébaubis, d'où cette jacquerie est sortie, en tirerait, s'ils le lisaient, grand profit. Qui peut encore se battre pour sauver ce qui reste de moutons, de brebis, et d’agneaux, sinon celui qui a porté le béret basque tout petit et a, inscrit dans ses gènes, l’amour et le soin diligent du troupeau ?

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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