Le vrai ennemi du service public, c’est l’égalitarisme
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Il est rare de pouvoir reprendre, dans le titre d’un article, la formule choc d’un ministre de l’Éducation nationale : "Le vrai ennemi du service public, c'est l'égalitarisme ; son ami, la liberté." Savourons donc notre plaisir, sans oublier cependant que, de la parole aux actes, le chemin à parcourir est souvent semé d’embûches.
Cette formule, c’est celle de Jean-Michel Blanquer dans un entretien au JDD de dimanche dernier. Il faut la replacer dans son contexte : il répond à une question sur l’autonomie des établissements et le modèle que pourrait constituer l’école privée.
"Si la plus grande fuite observée vers le privé depuis des décennies a eu lieu à la rentrée 2016", déclare-t-il, "il y a une raison : en imposant des mesures uniformes, la réforme du collège a cassé l'attractivité des établissements publics." Voilà une critique sévère – et bien méritée – de la réforme du collège, lourd passif de son prédécesseur.
Si le ministre se réfère à l’école privée, c’est qu’elle conserve une certaine autonomie, notamment dans le recrutement des personnels. L’augmentation du nombre de postes à profil dans l’enseignement public, pour lesquels proviseurs et principaux auraient leur mot à dire, permettrait, selon lui, de renforcer la cohésion des équipes pédagogiques.
Les syndicats y sont opposés. Moins parce qu’ils craignent qu’on leur enlève un pouvoir de contrôle sur le mouvement que parce qu’ils estiment que le barème, qui prend en compte l’ancienneté au détriment de la qualification ou du mérite, est le dispositif le plus égalitaire.
On pourrait donc penser, comme le ministre, qu’un recrutement local présenterait non seulement un intérêt pédagogique mais répondrait mieux aux attentes des professeurs eux-mêmes, qui souffrent d’être considérés comme des numéros anonymes. Mais que pèsent ces avantages par rapport à un inconvénient majeur, qu’on ne peut négliger ?
Une telle autonomie accentuerait nécessairement les disparités entre les établissements, leurs projets pédagogiques et leurs personnels : non seulement le caractère national de l’enseignement en pâtirait, mais les meilleurs professeurs tendraient à se concentrer sur les meilleurs postes. Or, tous les élèves ont le droit d’avoir des maîtres compétents et qualifiés. Le dispositif actuel d’affectation, qui répartit à peu près uniformément les professeurs sur tout le territoire, est sans doute, de ce point de vue, le plus équitable.
Mais ne retombe-t-on pas alors dans l’égalitarisme précédemment dénoncé ? Comment concilier une liberté nécessaire pour que le système respire, pour innover et s’adapter au public scolaire, voire pour introduire un peu de concurrence, et le respect des objectifs nationaux ?
Chaque établissement, quel que soit le milieu socio-culturel des élèves qu’il reçoit, devrait pouvoir organiser des parcours différenciés, des passerelles de l’un à l’autre, des filières d’excellence, pour tenir compte des capacités, des goûts et des besoins des élèves. Serait-il utopique d’imaginer des structures qui permissent à chacun de trouver sa place, où la diversité des talents serait reconnue, l’effort et le mérite récompensés ?
Pour rompre avec l’égalitarisme, il faut supprimer le collège unique et le remplacer par un collège différencié, tirer vers le haut au lieu de niveler. Il faut aussi veiller à l’attractivité du métier pour recruter les meilleurs étudiants. Dans ces domaines, Jean-Michel Blanquer semble définir des orientations contraires à celles de Najat Vallaud-Belkacem. On ne peut que s’en réjouir.
Reste à savoir s’il aura les moyens de mettre en œuvre sa politique : après des années de dérive, il est difficile de redresser la barre.
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