[VU D’ARGENTINE] Les véritables ennemis de Javier Milei

Le président entend s'attaquer à toutes ces petites combines que les Argentins pratiquent et surnomment le « curro ».
@Vox España/Wikimedia commons
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À l’arrivée au pouvoir du général Péron en 1946, le PIB par habitant de l’Argentine la plaçait dans le top ten mondial. Elle en est réduite, aujourd’hui, à un humiliant 70e rang. Nous ne le dirons jamais assez : record toutes catégories pour un pays n’ayant connu ni guerre significative, ni cataclysme épouvantable, ni invasion….

« Un pays capitaliste soumis à un appareil d'État néo-communiste »

Certains analystes ont résumé la situation par ces mots : « L’Argentine est toujours un pays capitaliste, mais soumis à un appareil de l’État néocommuniste. » La remarque est juste et l’État argentin pré-Milei était devenu un monstre adipeux et incontrôlable. En plus, dans un pays fédéral, chaque province dispose des trois pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) pour parfois moins de 400.000 habitants. Cela peut produire des résultats ubuesques comme la province de Formosa, dans le nord du pays, qui est dirigée, depuis plus de trente ans, par un caudillo particulièrement répugnant et où l’emploi public dépasse les 70 %. Tout cela entraîne, évidemment, une funeste superposition d’impôts et des effets castrateurs pour l’activité économique, d’où le score annoncé ci-dessus.

Pour survivre devant l’adversité, les Argentins ont inventé ce que l’on appelle couramment le « curro » Ce mot a plusieurs acceptions, suivant la Real Academia Española, mais en langage local, on pourrait le définir de la manière suivante : « Combine tendant à se procurer un avantage juteux par tous les moyens, même légaux… » Il y a même un verbe et des millions d’Argentins « curran ». Après le football, c’est le second sport national.

Le sport national : le « curro »

Cela, à tous les étages de la société. Commençons par le bas. Les soupes populaires et subsides aux indigents, qui étaient organisés par ce que Milei appelle les gérants de la pauvreté, sorte d’organisations mafieuses qui distribuaient une part modeste des fonds ou aliments, se réservant le plus gros pour leur propre poche. Que dire des millions de retraites ou pensions distribuées moyennant finances, sans aucun justificatif, du trafic de médicaments dans les hôpitaux, notamment pendant la pandémie, des fausses factures de tout poil ? La liste est interminable.

Dans l’administration publique, deux voire trois emplois étaient monnaie courante et, chose encore plus grave, certains petits fonctionnaires détenant une parcelle de pouvoir de décision se voyaient tentés d’exiger un péage pour ne pas bloquer ou pour accélérer une gestion. Immatriculer une voiture neuve pouvait relever du parcours du combattant, avec une partie du paiement exigée en espèces, sans parler, pour les grosses huiles, des appels d’offres systématiquement vermoulus dans les travaux publics….

Au niveau des grandes entreprises et hauts fonctionnaires, le « curro » pouvait prendre une tout autre dimension. En effet, la Justice argentine ne fait pas preuve de férocité pour poursuivre le délit d’initié. Dans un pays qui a vécu des inflations mensuelles atteignant souvent deux chiffres et, donc, de violentes dévaluations périodiques, il était si facile de placer des avoirs en pesos à très court terme à des taux faramineux et passer en dollars au moment où l’on « sentait venir » une correction du taux de change. À condition d’être bien informé, le système fonctionnait très bien ; c’était même sportif, cela s’appelait de la bicyclette financière. Joli « curro ».

Milei monte à l'assaut

À son arrivée aux affaires, Péron avait créé de l’industrie lourde, métallurgique, automobile, pétrolière, transport... Et, pour ce faire, installé une protection douanière considérable. Comme cela coûtait fort cher, il avait trouvé l’argent dans les poches du seul secteur efficace, à savoir l’agriculture et l’élevage, en imposant des droits d’exportation sur les différents produits. Cette pratique détestable, honnie des agriculteurs, encore en usage aujourd'hui, avait atteint, pendant l’époque du président Alfonsín le chiffre confiscatoire de 50 % pour le produit phare : le soja. On en était encore à 33 %, à l’arrivée de Milei ; il vient de le baisser à 26 %.

Et c’est bien là un vrai problème. Baisser les impôts et faire sauter cet immense « curro » faussement protecteur d’entreprises médiocres en ouvrant le marché à la concurrence et en baissant prudemment les droits de douane. Tâche complexe, surtout quand les industriels prébendaires sont déjà tout larmoyants. Le taux de change actuel leur paraît trop faible… eh oui ! Javier Milei ne se laissera pas impressionner et la tronçonneuse monte à l’assaut de ses véritables ennemis : les « curros ».

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Michel de Saizieu
Essec, vit en Argentine depuis 1973, CEO d’entreprises agricoles, ancien Conseiller du commerce extérieur de la France à Buenos Aires.

Vos commentaires

22 commentaires

  1. Il faut que les patriotes français lisent notre libertarien national : Frédéric BASTIAT. Il faut absolument lire au moins ses textes principaux : La Loi, Justice et fraternité, Propriété et Loi, Ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, Sophismes économiques, Balance du commerce, etc. Cela a l’avantage de se lire très simplement, d’être accessible même aux non-spécialistes, et de traiter à fond les questions morales du capitalisme et du libertarianisme. Un auteur qui doit absolument être promu dans la sphère patriotique. Et cela permet également de comprendre intellectuellement Milei, Musk, Trump, etc.

  2. C’est bien, un article sur l’Argentine dans lequel l’obscur Bambino Katz ne célèbre pas l’obscur Trystan Mordrelle !

  3. MERCI pour ce compte rendu très édifiiant !!!
    exemple à méditer : Bravo à Javier Milei qui ‘tient bon’ ‘….

  4. Nous avons eu la chance de vivre un an et demi en Argentine dans les années 70. C’est un pays merveilleux, avec des potentialités extraordinaires. Je ne peux que souhaiter à M. Milei de réussir à le sortir d’un système digne de l’URSS pour retrouver une place méritée dans le concert mondial.

  5. La détermination courageuse de Javier Miléi devrait en inspirer plus d’uns. On ne peut que se projeter, dans les coupes qui nous concernent. Aurons-nous notre tour ?

  6. Entre le neo-communisme Argentin et le néo-libéralisme de « l’élite » européenne, lequel est le pire ?

  7. Toucher aux ressources illicites des gens est sensible, dangereux, Comment faire pour qu’elles s’assèchent d’elles-mêmes : Détourner les processus qui les rendent possibles ?

  8. Mes cousins argentins dont j’ai fait la connaissance l’an dernier m’ont dit :  » ce que fait Milei, il fallait le faire « .
    Et pourtant mes cousins font partie de la partie basse de la classe moyenne.

  9. Un pays qui a tout mais qui gaspille tout qui plus est soumis à une corruption généralisée. Courage Milei, carajo !

  10. Nous avons besoin d’un Javier Milei avec sa tronçonneuse en France ! Il y a de quoi faire pour dégraisser le mammouth et faire de grosses économies plutôt que d’augmenter les taxes , les impôts, donner notre électricité à l’Allemagne et des milliards à l’Algérie entre autre. Pour cela il faudrait quelqu’un de courageux, honnête … et suffisamment d’électeurs ayant encore de la mémoire et une capacité d’analyse. C’est pas gagné…

    • Il suffit de voter Reconquête , seul parti qui imposera des économies conséquentes (suppression de subventions publiques aux associations diverses, ONG, de l’AME etc…) seul parti qui est une vraie droite conservatrice et Sarah Knafo est une femme brillante , qui maîtrise parfaitement ses dossiers.
      A nous de vouloir ce que l’on veut !

      • Je suis bien d’accord avec vous. J’ai de plus en plus de doutes sur les capacités et les convictions du RN . Entre MLP qui fait ce qu’elle peut pour rester éligible ( pas gagné non plus malgré ses ouvertures à gauche) et un Jordan qui se sauve devant un bras droit levé de peur de déplaire à la gauche ,
        au centre et àlafausse droite … nous ne sommes pas sortis d’affaire ! Nous avons besoin d’un chef ayant de la poigne, qui ose dire les choses et surtout d’agir en conséquence rapidement,
        pas d’un capitaine aux mains molles.

      • Réponse à Tara, Bien sûr que vous avez le droit de dire ce que vous pensez, mais je vous parie que vous changerez d’avis.

    • un « chef » d’état n’est pas là pour se faire des  » amis », il est là pour remettre de l’ordre et faire prospérer le pays qu’il dirige – et c’est vrai qu’en France y’a du boulot !

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