[VU D’ARGENTINE] Javier Milei, le choix du courage et du mépris de la respectabilité

Le FMI est sur le point d’accorder au pays un prêt de près de 20 milliards de dollars.
@Vox España-Wikimedia Commons
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« Trump n’est pas respectable, c’est exactement ce dont a besoin l’Amérique », peut-on lire, dans la lumineuse interview accordée par Rob Dreher à Gabrielle Cluzel. Avec la finesse de la remarque, on pourrait tailler un costume sur mesure pour Javier Milei.

Le petit économiste fraîchement apparu sur les écrans avait étonné le monde politique, en 2021, en se faisant élire député. Il n’était même pas rigolo, avec son discours apocalyptique. Deux ans plus tard, lancé dans la course à la présidence, il faisait plutôt pitié et les analystes prédisaient un sombre destin à ce pauvre illuminé dépourvu de la moindre structure politique. On pouvait, à la rigueur, lui reconnaître un certain courage, mais de là à la respectabilité… Au soir des élections, l’essentiel des journalistes craignait le chaos. Dans quelle aventure politique pourrait nous entraîner un débutant fort de 10 % de sénateurs et de 15 % de députés qui affrontait un terrain miné et une hyperinflation naissante ? De la témérité, certes, mais pour combien de temps cet individu prétendrait-il se maintenir à la tête de cette prestigieuse et respectable institution ?

Des résultats probants

Force est de constater qu’il est là, plus fort que jamais et toujours sans la moindre respectabilité. De plus, son attitude nous prouve qu’il n’en a aucun souci. À vrai dire, les Argentins non plus. Ceux-ci sont un peu las de la respectabilité de l’ancien monde politique. Citons, pour mémoire, le très respectable président Alfonsín, défenseur féroce de la respectabilité des fonctions qu’il incarnait : il a abandonné le pouvoir avec 5.000 % d’inflation. Ou bien le prédécesseur de Milei, M. Alberto Fernández, qui, du haut de sa respectabilité, avait infligé à la population, pendant la pandémie, un des enfermements les plus stricts au monde, pendant qu’il organisait d'agréables réceptions au palais présidentiel à l’issue desquelles il infligeait de forts mauvais traitements à la première dame. Des faits qui lui valent maintenant un très respectable et inquiétant procès.

M. Milei parle chiffres et, à travers eux, résultats. Une économie qui commence à croître à un rythme de 5 % par an et des salaires qui, eux aussi, prennent lentement l’avantage sur l’inflation. Celle-ci, stationnaire, devrait passer sous la barre de 2 % mensuels, au mois d’avril. Ce chiffre, encore aberrant pour une économie moderne, est perçu comme une aubaine par la population tristement habituée à des scores sauvages. Et, bien sûr, des performances macroéconomiques plus que séduisantes, avec un excédent de la balance commerciale et des paiements et, surtout, du budget de l’État. Cela paraît en tout cas tout à fait respectable au FMI, qui est sur le point d’accorder au pays un prêt de près de 20 milliards de dollars. Il permettra à Javier Milei de respecter, là aussi, sa promesse d’arriver à un taux de change libre.

Une opposition surmontée

À ce sujet, avec ou sans respectabilité, Javier Milei vient de réussir le tour de force de faire approuver par la Chambre le décret nécessaire à l’accord. Pas mal, avec 15 % des députés et sans l’artifice du 49.3, qui ne figure pas dans la Constitution argentine. Ce faisant, il s’est offert le plaisir d’éclater un peu plus, encore, l’opposition qui se trouve plongée dans une profonde et probablement « respectable » attrition.

Cependant, les élections approchent et, dans les rangs d’en face, il faut partir en croisade. Qu’à cela ne tienne, invoquons une noble cause : les malheureux retraités dont le sort est loin d’être enviable, avec une retraite minimum sous les 370 euros mensuels. Ce chiffre malheureusement récurrent est la directe conséquence de la « générosité » des précédents gouvernements. Sur les 7 millions de retraités argentins, 58 % bénéficient de leur retraite sans avoir cotisé ou en ayant peu cotisé pendant les trente années où ils étaient censés travailler, pénalisant évidemment ceux qui avaient eu la mauvaise idée de payer leurs cotisations...

Qu’importe ! Le méchant est Javier Milei et, pour appuyer ces pauvres gens, une manifestation a été organisée à Buenos Aires, ce 12 mars, avec un assemblage de groupuscules de gauche, d’organisations syndicales de tout poil, d’activistes désœuvrés et de « barras bravas », sortes de hooligans du foot particulièrement nombreux, violents et souvent repris de justice. La police a réprimé : 124 personnes arrêtées, 45 blessées, dont 25 chez les forces de l’ordre, un photographe gravement touché, des dégâts significatifs. Rebelotte, huit jours après, mais Mme Bullrich, ministre de la Sécurité argentin, a compris la leçon et l’ordre le plus strict a prévalu. On nous promet des rééditions chaque mercredi. Pas sûr que Javier Milei se laisse impressionner.

Cela ne le rend ni plus ni moins respectable, mais l’ordre est respecté !

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Michel de Saizieu
Essec, vit en Argentine depuis 1973, CEO d’entreprises agricoles, ancien Conseiller du commerce extérieur de la France à Buenos Aires.

Vos commentaires

40 commentaires

  1. ça change, chez nous nous avons souvent des gens qui ont empilé des connaissances mais qui ne savent pas à quoi ça sert, je m’en suis rendu compte non seulement à cause des politiciens mais j’ai des proches étudiants de très bon niveau je vois ce qui se passe, alors qu’il faudrait des gens de la société civile qui ont l’habitude de régler quotidiennement les difficultés de leur entreprise, ils ne sont pas toujours aussi brillants intellectuellement, ils n’ont pas toujours une culture à la hauteur, évidemment ils ont passé leur temps à travailler, mais ils ont l’habitude de réfléchir de prendre des décisions et connaissent par coeur les principes de Fayol : Prévoir organiser commander cordonner et contrôler, c’est ce qui fait la différence et ils ont aussi la notion de l’argent ce dont nous avons besoin.

  2. Nos mediats nous ont vendu en 2017 un mozart de la finance vous allez voir ce que c’est un banquier,patatra un goufre le mozart,par contre il nous à enrichis de plusieurs millions de migrants et de bandits,par contre le président Argentin c’est le contraire à 1000% et là il a réussi à ramener la dette et l’inflation à 2%,macron tu es toujours là.

  3. Javier Milei avait tout du démagogue irresponsable lors de son accession au pouvoir, aux yeux des médias mainstream. Et pourtant, cet hurluberlu a des convictions simples qui ont indiscutablement inspiré une politique efficace.
    À noter que le peuple argentin admet semble-t-il les efforts qui lui sont demandés.
    Chez nous, aucun effort n’est demandé aux Français ; ceci explique cela.

    • « Chez nous aucun effort est demandé aux francais »? Vous vivez en Papouasie vous? .Nous payons les plus importants impôts du
      monde pour un pays systématiquement détruit par son président.. quant à l’économie de guerre » c’est encore un monumental pipeau » monte par les macronistes et Mac kinsey..

      • Je suis persuadé que  » les francais  » accepteraient de travailler plus si c’était pour avoir des hôpitaux, de la securite,et avoir la priorité pour le social..

    • « Chez nous, aucun effort n’est demandé aux Français… » Ah bon !? Tous ces impôts, taxes et autres contributions qui s’abattent jusque sur le papier d’emballage du boulanger, c’est quoi ? La retraite à 64 ans au lieu de 62, ça n’existe pas ? Le doublement du reste à charge sur les prestations médicales après que la sécurité sociale ne rembourse plus que 60% au lieu de 70%, c’est pas un effort ça ? Mais, en France, les efforts ne servent à rien puisqu’en parallèle à ces prélèvements qui ne cessent de s’alourdir, les comptes de la nation sont toujours plus déficitaires, la dette toujours plus monstrueuse et les services rendus par l’Etat d’une qualité ne cessant de se dégrader. Il n’y a plus guère qu’à Bercy que tout fonctionne parfaitement lorsqu’il s’agit d’aller traquer jusqu’au dernier centime d’euro qui aurait échappé au racket institutionnel.

  4. La « respectabilité » des opposants de Milei n’est qu’une façade masquant leur terribles défauts, tout comme lorsque Jésus parlaient aux religieux pharisiens en son temps par une parabole,à savoir que ceux-ci nettoyaient l’extérieur du plat mais que l’intérieur était plein d’impuretés.C’est exactement ce qu’est leur « respectabilité » tant vantée,et nous avons les mêmes en France qui se cachent derrière de belles paroles flatteuses et mensongères pour pouvoir continuer à exister et dominer. Cependant, malheur à ceux qui appellent le mal  » bien » et le bien « mal ».Nous y sommes en plein en ce moment par la culture de l’inversion des valeurs réelles de la vie.

  5. Le choix qui s’offre à la France, c’est deux ans à en baver comme l’Argentine avec Milei, suivis d’une reprise en main de son destin, ou bien courir indéfiniment après les intérêts de sa dette, comme l’a fait l’Argentine pendant le demi-siècle qui a précédé Milei. Le Mozart de l’endettement qui nous sert de président a choisi une 3e voie qui consiste à accélérer les dépenses pour satisfaire des délires parfois écologiques, parfois guerriers ou pseudo-humanitaires. Quand va-t-on se décider à le destituer ?… Le rôle de l’opposition se réduit à assurer le spectacle d’un mauvais vaudeville dans l’hémicycle, qui ne trompe plus les Français. Après, il ne faut plus s’étonner de l’abstention, devenue 1er parti de France.

  6. Seuls les crétins ignorant tout de l’économie de marché s’étonneront des succès de Milei.
    En France sous la chape de plomb idéologique, la nomenklatura étato-socialiste reste silencieuse face à Milei, un déni gravissime de démocratie.
    Relire et relire Hayek.

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