[VU D’ARGENTINE] Y a-t-il un opposant face à Javier Milei ?

Capture d'écran Casa rosada
Capture d'écran Casa rosada

« Dis-moi, Javier, as-tu beaucoup de rivaux ? » C’est en ces termes décontractés qu’un journaliste s’adressait au président Milei, lors d’une récente interview télévisée. Celui-ci, bien calé dans son fauteuil, vrille ses yeux bleus sur son interlocuteur et répond, en souriant : « Exact. J’ai des ennemis, ce sont l’inflation, l’émission, la pauvreté, l’indigence, l’analphabétisme et, bien sûr, le fait de voir les braves gens se faire liquider comme des rats dans les rues. » Des mots qui tranchent sur la langue de bois, en forme de pied de nez, à l’opposition, cette caste corrompue qu’il méprise en l’insultant ou en l’ignorant, suivant l’humeur du moment. C’est le style Milei.

Sur ces bases, l’opposition tente de survivre.

Au vu de l’actualité française, nous épargnerons au lecteur une description des magouilles politiciennes, une approche plus schématique devrait suffire. Nous analyserons, successivement, l’extrême gauche, le péronisme, les autres.

L’extrême gauche

Pour faire court, Javier Milei fait face à une extrême gauche totalement alignée sur la doxa de M. Mélenchon : même vision économique, même wokisme, même affinité pro-palestinienne. Des gens très bien… Rien à leur reprocher, pas même le score atteint aux dernières élections : 2,7 %. Pour un pays qui héberge une population arabe, d’origine syrienne ou libanaise, de plusieurs millions de représentants, c’est un peu court… Mais en réalité, ces habitants ne sont pas perçus comme arabes par les Argentins qui les traitent amicalement de Turcs. Ils sont parfaitement intégrés dans la société argentine. On estime que 400.000 d'entre eux seraient de religion islamique, mais les imams ne prospèrent pas. Les mosquées non plus : elles seraient moins d’une quinzaine sur tout le territoire. Voiles et djellabas sont quasiment absents des rues. L’immense mosquée de 34.000 mètres carrés, cadeau du roi Fahd à l’ancien président Menem, tient plus du musée que du culte. Pas de débordements. Dans les années 1990, les deux terribles attentats contre l’ambassade et une mutuelle israélienne - qui avaient fait 114 morts et plus de 550 blessés - ont été organisés par les Iraniens et le Hezbollah avec, certes, des complicités locales. Mais rien de directement imputable à la pacifique communauté dont nous venons de parler. Cette modération joue contre la frénésie de Myriam Bregman et de son parti, le FIT-U. Son échec total est tout gain pour Milei et le conforte dans son alignement avec Israël.

Le péronisme

Le parti péroniste a gouverné le pays pendant plus de 40 ans, depuis 1946. À l’exception du mandat du président Macri (2015- 2019), il avait pris l’habitude de renverser systématiquement tous les régimes d’opposition démocratiquement élus. C’est dire la soif de revanche qui torture Cristina Kirchner. Après deux mandats de présidente et un de vice-présidente, elle est actuellement à la tête du parti et de 98 députés inféodés à la Chambre. À cela, il faudrait ajouter une vingtaine d’alliés plus ou moins loyaux. Sur 257 députés, Cristina Kirchner devrait se sentir à l’aise, face aux misérables 40 députés de Milei. Au Sénat, elle dispose de 33 sénateurs sur 72, contre sept de Milei, ce qui devrait la combler de joie.

Le lecteur notera l’emploi du conditionnel. Car l’ancien président, Nestor Kirchner, mari de Cristina, aimait palper des billets de banque, surtout ceux de 500 euros, à l’époque. Cela lui procurait une profonde jouissance. Il affirmait avec un cynisme déconcertant qu’il fallait de l’argent pour faire de la politique. Dans le parti péroniste, la loyauté a toujours eu un prix. Mais Milei a fermé les robinets de la corruption : « No hay plata » (« Il n'y a pas d'argent »), dit-il. Gravissime problème pour la veuve éplorée.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, Axel Kicillof, l'homme qui fut en 2013 son ministre de l’Économie chéri et qui conduit une gestion désastreuse de la très puissante province de Buenos Aires, lui dispute férocement la suprématie. O ingratitude ! Milei l’a surnommé « le nain communiste ».

Les autres

Le ventre mou de l'éventail politique argentin est constitué par le vieux parti radical (social-démocrate), qui ne s’est jamais remis de l’hyperinflation de Raúl Alfonsín et qui implosera tôt ou tard. La majorité la plus à droite tombera alors dans l’escarcelle de Milei. Le Pro, parti de centre droit de l’ancien président Macri, est dans sa grande majorité son allié de fait. Patricia Bullrich, qui fut la rivale de Milei lors de l'élection présidentielle, est maintenant une des pièces maîtresses de l’équipe. Il faut reconnaître que l’ancien président Macri a eu une attitude collaborative d’une rare noblesse. Les deux partis fusionneront-ils ? En attendant, Javier Milei s’occupe de sujets sérieux.

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Michel de Saizieu
Essec, vit en Argentine depuis 1973, CEO d’entreprises agricoles, ancien Conseiller du commerce extérieur de la France à Buenos Aires.

Vos commentaires

17 commentaires

  1. Tout pareil en France et dans tant d’autres pays où le bolchevisme n’est pas mort. Ce qui, à mes yeux, est incompréhensible, c’est comment est-il encore possible que des électeurs dans un pays au demeurant relativement éduqué comme le nôtre puissent ne pas voir ce que toutes les nations, sans exception, qui ont eu affaire à cette idéologie ont dû subir.

  2. A nouveau merci Michel, longue vie, la politique n’est jamais simple et vous nous faite toucher le cœur de celle d’Argentine. Le peuple saura reconnaitre et récompenser les améliorations apportées par le Président Milei, alors souhaitons-lui succès et longue vie !

  3. Finalement, à quoi sert une opposition ? À gauche, il s’arrange pour l’éliminer autant que possible pour piller le pays qu’il gouverne. À droite, en Amérique latine, c’est pareil. Alors, un gouvernement qui veut travailler pour le bonheur de son peuple et la prospérité de son pays a-t-il besoin d’une opposition, surtout si elle est composée de gens corrompus ?

    • En France il nous faut la méthode Milei pour l’économie et la culture,le tout lié à la souveraineté et la méthode très efficace du président salvadorien en matière de sécurité,les deux ont largement fait leurs preuves d’efficacité contrairement à la France où on veut faire une proposition de débat avec des réunions, des commissions,des colloques,puis un projet de loi discuté à l’assemblée nationale puis envoyé ensuite au Sénat pour le renvoyer ensuite à l’assemblée nationale,puis voter la loi qui doit être promulguée par le président de la république puis scrutée par le conseil constitutionnel qui la valide ( avant ou après la promulgation du président je ne sais plus tellement c’est long et compliqué ) et à nouveau attendre les décrets d’application de cette loi pour qu’elle soit enfin mise en œuvre, bien que son application soit encore bloquée par les tribunaux administratifs ou le conseil d’état ou encore la CDEH. Mais comment voulez-vous vous qu’on s’en sorte avec tous ces baratineurs dont c’est le fond de commerce indispensable à leur survie financière et à leur existence parfaitement inutile ?

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