[VU DE L’EST] Les implications de la politique « America First » pour l’Europe

@Gage Skidmore/Wikimedia Commons
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Au cœur de la rhétorique de Donald Trump se trouve un engagement à réduire le rôle de l'Amérique en tant que gendarme du monde. Ce retrait des engagements mondiaux reflète une stratégie plus large visant à se concentrer sur les intérêts économiques et sécuritaires des États-Unis. Que cela signifie-t-il pour l’Europe sur le plan commercial et en termes de politique de défense ?

Donald Trump et l’OTAN

L'approche de Trump à l'égard de l'OTAN, caractérisée par des demandes d'augmentation des dépenses de défense des États membres, est la pierre angulaire de sa politique étrangère. Le président élu a demandé aux membres de l’alliance d'allouer 5 % de leur PIB à la défense, ce qui représente une augmentation considérable par rapport à l'objectif actuel de 2 %. Une telle augmentation des dépenses paraît irréaliste, ce niveau étant généralement atteint par les grandes puissances ou les pays impliqués dans des conflits armés, alors que de nombreux pays européens n’ont toujours pas atteint les 2 %. Si des pays comme la Pologne ont exprimé leur volonté de répondre à ces exigences, d'autres, en particulier ceux dont l'économie est en difficulté, y sont moins préparés. Tout cela a suscité des inquiétudes quant à l'avenir de l'alliance, certains craignant un éventuel retrait des États-Unis. Les conséquences d'une telle décision seraient graves, pour l’Europe, car l'OTAN est, à ce jour, le pilier de la sécurité européenne. Alors que l'Europe est aux prises avec ces défis, la rhétorique de Trump oblige ainsi l'UE à faire face à la réalité de sa dépendance à l'égard des États-Unis en matière de sécurité collective.

Relations économiques et tensions commerciales

En novembre 2024, Trump s'est engagé à imposer des droits de douane de 25 % sur les importations en provenance du Canada et du Mexique, ainsi que des droits de douane supplémentaires sur les produits chinois. Si ces droits de douane visaient principalement les importations nord-américaines et chinoises, la nature interconnectée des chaînes d'approvisionnement mondiales signifie que les constructeurs automobiles européens ayant des activités de fabrication dans ces régions pourraient subir des répercussions indirectes. Des entreprises comme Volkswagen et Stellantis, qui ont d’importants sites de production au Mexique, pourraient voir leurs coûts augmenter et leur chaîne d'approvisionnement perturbée. Il y a un mois, Trump a également publié, sur X : « J'ai dit à l'Union européenne qu'elle devait combler son énorme déficit avec les États-Unis par l'achat à grande échelle de notre pétrole et de notre gaz. » Le contexte actuel rendant difficile l'obtention de gaz russe bon marché, la demande de Trump obligera tôt ou tard les Européens à acheter des ressources au prix proposé par Washington.

Dilemmes stratégiques hongrois

Si les bonnes relations entre le nouvel homme fort de Washington et le Premier ministre Viktor Orbán débouchent bien sur un alignement politique, la Hongrie n’en reste pas moins vulnérable à ces potentielles mesures commerciales de Trump. Mais les deux hommes maintiendront des relations de haut niveau, y compris sur des collaborations high-tech comme le programme de satellite hongrois HUSAT1. Ces liens pourraient renforcer les capacités technologiques de la Hongrie, mais des inquiétudes existent quant aux exigences potentielles des États-Unis à l'égard de la Hongrie, telles que l'achat d'équipements militaires ou la limitation de la coopération avec la Chine.

L'économie hongroise, qui dépend d'industries telles que la construction automobile, la production de batteries et les ressources énergétiques, pourrait aussi être impactée par l'augmentation des droits de douane, alors que la monnaie nationale hongroise faiblit et que l’inflation n’est jamais loin. L'opinion publique hongroise reflète ces tensions. Si une majorité de Hongrois (74 %) est favorable à un renforcement de la coopération avec les États-Unis, nombreux sont ceux qui restent sceptiques quant à l'influence de l'Amérique sur les affaires mondiales. Cette ambivalence souligne les défis auxquels la Hongrie est confrontée pour concilier ses intérêts nationaux avec ses engagements envers l'UE et sa place sur la scène internationale.

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Klementina Kozma
Spécialiste hongroise des questions de sécurité et de défense, économiste et chercheuse au Centre de Géopolitique du Mathias Corvinus Collegium à Budapest

Vos commentaires

2 commentaires

    • Il vaudrait bien mieux racheter du gaz Russe directement sans passer par l’Azerbaïdjan,et suspendre toute aide a l’ukraine si elle ferme les gazoducs..ca coûterait bien moins cher..quant à l’armement nous avons les meilleures armes au monde,il suffirait que nos soi disant partenaires européens joue le jeu et achètent français, allemand, belge, espagnol,au lieu d’acheter américain.Enfin il faut réellement réactiver le nucléaire civil à grande échelle car pas de nucleaire militaire sans nucleaire civil..

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