Washington, Riyad et Téhéran : les “États profonds” continuent de tirer les ficelles…
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Ce vendredi dernier, les Iraniens ont choisi leur nouveau président. Sans trop de surprise : le sortant Hassan Rohani est élu dès le premier tour avec 57 % des voix, contre Ebrahim Raïssi.
Hassan Rohani est donné pour « libéral », tandis qu’Ebrahim Raïssi serait « conservateur ». Inutile de préciser que ces étiquettes ne disent pas grand-chose, surtout lorsque plaquées sur une Perse à la civilisation multimillénaire.
À cet état de fait, plusieurs raisons.
La première tient à la nature du régime instauré en 1979 par l’ayatollah Rouhollah Khomeini, sorte de république couronnée, dirait-on en France, mais là-bas enturbannée : le président dirige tandis que ses ministres exécutent. En revanche, l’ayatollah Khamenei, le successeur du fondateur de la République islamique, veille à ce que les contingences civiles ne viennent pas trop empiéter sur le champ politico-religieux. Bref, en tant que « Guide suprême », il est là pour conserver le cap. La preuve en est que si l’ayatollah Khamenei, sceptique quant à l’apaisement avec le monde occidental, n’a pas non plus empêché Hassan Rohani de le négocier avec le succès qu’on sait, prévenant seulement que si l’Iran était prêt à commercer de nouveau avec le reste du monde, il n’était pas question pour autant d’accepter en bloc les « valeurs » occidentales.
La seconde est encore relative à cet « État profond », survivant à toutes les transitions démocratiques depuis près de quarante ans. C’est la prégnance du clergé, des Pasdarans, Gardiens de la révolution de 1979, désireux de maintenir une sorte de souffle « révolutionnaire », sans évidemment négliger les puissantes fondations d’anciens combattants de cette guerre contre l’Irak, peu ou prou diligentée et financée par les USA et ses épigones.
La troisième résume les deux précédentes : après la parenthèse du chah d’Iran, installé au pouvoir par Washington avant d’en devenir l’indéfectible vassal, Téhéran veut reprendre la main sur le leadership à la fois politique et religieux en cette partie du monde. Pour ce faire, il dispose d’institutions stables, comparées à celles de ses deux rivaux principaux, Turquie et Arabie saoudite, affaiblis pour l’une par des coups d’État à répétition et pour l’autre d’une faiblesse politique structurelle ; une famille forte de milliers de descendants ne saurait à elle seule diriger un pays entier au mépris de toute consultation populaire.
Si l’on résume, Ankara se cherche, entre visées européennes et ambitions hégémoniques dans cet espace turcophone allant jusqu’aux confins de la Russie. Alors que Téhéran entend jouer le même rôle, fût-il handicapé par son islam chiite duodécimain l’empêchant de se faire entendre plus que ça auprès de l’ensemble du monde musulman, sunnite en son écrasante majorité. Pis, et ce, à l’instar des Turcs, les Perses ne sont point arabes…
Les plus à même d’assurer le leadership sont évidemment les Saoudiens. Sauf que ce régime n’est que pétaudière. Pour seules armes, Riyad n’a que La Mecque – ils en sont désormais les traditionnels gardiens, après éviction de la dynastie hachémite, envoyée en ses actuelles pénates jordaniennes par les Anglais au lendemain de la Première Guerre mondiale. Sans oublier le pétrole et les dollars éponymes.
Cette situation, un autre « État profond », celui des USA, l’avait bien vue et théorisée en 1945 avec le fameux pacte du Quincy, quand le roi Ibn Saoud et le président Franklin Roosevelt, sur un porte-avions, avaient scellé cet accord auquel Donald Trump vient de redonner une nouvelle vigueur, lors de son voyage à Riyad. Une façon, pour ce même « État profond » américain, de rappeler ses fondamentaux après les années d’ouverture de Barack Obama en direction du monde musulman en général et de l’Iran en particulier.
Seulement voilà, Trump n’est pas Obama… Il n’empêche qu’il assure le service après-vente, surtout lors de son premier voyage officiel, à… Riyad. Après avoir prétendu que "l’islam nous déteste" – ce qui n’a d’ailleurs strictement aucun sens, comme si l’islam était une entité juridique administrative ayant pignon sur rue –, le voilà maintenant qui assure :
La lutte contre le terrorisme n’est pas une bataille entre différentes religions ou différentes civilisations. C’est une bataille entre des criminels barbares qui essaient d’anéantir la vie humaine et des gens bien de toutes religions qui cherchent à la protéger. C’est une bataille entre le bien et le mal.
Belle envolée lyrique. À ce petit détail près que ce sont les Saoudiens qui sont les principaux inspirateurs et bailleurs de fonds du terrorisme en question, alors que les Iraniens le combattent pied à pied, aux côtés de leurs alliés, qu’ils soient du Hezbollah ou des milices chiites irakiennes.
Comme quoi, même déguisé en clown trumpesque, c’est cet « État profond » qui semble avoir aujourd’hui le dernier mot. Jusqu’à quand ?
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