[Wokisme] Au Prado, la chasse aux nains est ouverte

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Le bruit courait sur les réseaux sociaux que les célèbres Ménines de Vélasquez allaient être retirées des cimaises du Prado. Il n’en est rien. C’était une extrapolation. La réalité est autre : le Prado est en pleine réécriture des titres, cartels et notices des tableaux, dont celle des Ménines, pour en extirper les termes « offensants ». Se reconnaît à cette pruderie du langage un trait du wokisme. On lisse, on abolit… on appauvrit.

Les musées espagnols veulent se mettre en accord avec l’article 49 de la Constitution. Dans sa rédaction antérieure, il parlait de l’inclusion des « personnes déficientes » (« los disminuidos », « les diminués »). La mouture nouvelle, votée le 18 janvier, parle des « personnes avec handicaps » (« Las personas con discapacidad »). Soit.

Si les musées Reine Sofia et Thyssen Bornemisza assurent que leurs notices ont depuis longtemps été expurgées des termes déplaisants, le musée du Prado fait figure de mauvais élève et s’est attelé à la tâche. Ainsi la description du Portrait du prince Don Carlos, par Alonso Sánchez Coello, dont le texte indiquait que la pose et le vêtement « cachent la déformation du dos ». Corrigé, il dit juste qu’ils « cachent le dos ». Sacré progrès, sachant qu’il demeure précisé que le prince avait « de graves handicaps physiques et psychologiques qui pourraient être dus à la consanguinité de ses parents ».

Le nain, ce problème de taille

Ce qui donne le plus de fil à retordre aux équipes du musée du Prado ? Le nain, ou plutôt les nains. Voilà une minorité sur-représentée dans la peinture espagnole. Ce genre à part entière reflète le goût de la cour aux XVIe et XVIIe siècle pour ces personnes. On en a peint avant et après Velasquez, mais les plus extraordinaires portraits sont ceux du maître. Si le terme nain était offensant, ces toiles suffiraient à le magnifier. L’artiste a donné à des personnes disgraciées une présence magnifique, leur a rendu toute l’intensité de leur humanité. Ce faisant, il était à l’opposé de l’art académique d’une beauté idéale qui prévalait dans la peinture italienne. Velasquez révéla la beauté cachée des difformités, ou que ces difformités cachaient. Voilà ce qu’il serait judicieux de mettre en avant, plutôt que de s’aligner sur « la sensibilité actuelle », comme s’y active Ana Martin, responsable du service Documentation et Archives du Prado.

Velasquez, Le bouffon El Primo, ou: ceci n'est pas un nain! (Musée du Prado).

Dans la description des Ménines, le Prado a gommé le mot « nains » qui caractérisait Maria Barbola et Nicolasito Pertusato. Contrairement au héros de la nouvelle de Marcel Aymé, ils n’ont pas grandi. Nains ils étaient, nains ils restent. Mais… il ne faut pas l’écrire.

Le wokisme, une bouffonnerie ?

En fait, il faut supprimer toute allusion au nanisme. Le bouffon El Primo était décrit ainsi depuis toujours : « Le portrait assis, avec les jambes face au spectateur, souligne la petite taille du personnage. » La nouvelle version n’en parle plus. Par ailleurs, « bouffon » est très pratique. Comme c’était souvent, sinon toujours, le métier des nains, on remplace nain par bouffon et le tour est joué. On obtient ainsi Bouffon avec un chien (tableau jadis attribué à Vélasquez), Portrait d’un bouffon (tableau de Hamen y Leon). Réducteur, dites-vous ?

Le wokisme étant international, le musée de Boston fait de même. Le Vélasquez connu sous le titre Portrait du prince Baltasar Carlos avec un nain a été retitré Portrait du prince Baltasar Carlos avec un compagnon. La description du tableau maintient qu’il s’agit d’un nain. Comme dans les contrats d’assurance, ça ne compte pas, puisque c’est écrit plus petit.

En janvier 2022, un acteur nain, Peter Dinklage, s’en était pris à Disney qui, du coup, prépare une version de Blanche-Neige sans ses acolytes habituels. Ils seront remplacés par sept « créatures magiques », ce qui fit hurler d’autres acteurs nains à qui on vole de la sorte les rares rôles faits sur mesure pour eux. Exit les nains des contes, des films et, désormais, de la peinture. Au nom de l’inclusion… l’exclusion. Qui dira la nocivité extrême du wokisme ?

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

23 commentaires

  1. Ce problème est pourtant facile à résoudre dans les musées, soit on accroche les tableaux au niveau du sol, soit on installe des escabeaux devant pour être à la bonne hauteur. Ce monde et ses promoteurs woke sont grotesques, alors supprimons le mot et vous supprimerez le handicap puisque, finalement, les nains ne sont que des géants de petite taille autant que ces imbéciles sont des génies qui s’ignorent !

  2. J’attends une peinture  » bouffons à l’Union Européenne »….
    Pour autant, j’ai un étonnement concernant l’Espagne actuelle.
    On lit ici qu’il est question de se conformer avec un article de la Constitution. Mais cette constitution est bafouée par le gouvernement actuel qui pactise avec les indépendantistes catalans juste pour rester au pouvoir !

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