[WOKISME] La galanterie, un « mythe franco-français » à déconstruire…

François Boucher, Le pasteur galant, Hôtel de Soubise (1738). © Wikipedia
François Boucher, Le pasteur galant, Hôtel de Soubise (1738). © Wikipedia

Offrir des fleurs, inviter une femme au restaurant… « Peut-on encore être galant ? » À l’heure de #MeToo, la question est pertinente et Jennifer Tamas, professeur américaine spécialisée ès lettres françaises, la pose sans ambages dans son livre Peut-on encore être galant ? (Seuil, 72 pages, 4,90 €). Mais en faisant de la galanterie « un mythe franco-français » faussé par le « regard masculin » - tels sont ses mots dans un entretien au Monde -, elle semble s’ôter les moyens d’y répondre.

Sa thèse : la galanterie est une issue trouvée par la société au XVIIe siècle pour résoudre les violences qui la traversent en privilégiant « le débat d’idées et le respect conversationnel ». Parties prenantes, les femmes y trouvent enfin un avenir autre que « le couvent, le mariage ou la prostitution » - sic, simplification à usage médiatique ou conviction, de la part de Jennifer Tamas ? Puis la galanterie devient un truc de mecs, suivant un prisme féministe de stricte obédience : « L’instrumentalisation d’une arme d’émancipation des femmes contre les femmes est un ressort classique de la domination masculine. »

Le danger d’un mot polysémique

Que de confusions ! Suivant le contexte et l’époque, le terme de galanterie est changeant. Qu’on se reporte à l’excellent Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) : la galanterie est « art de plaire en société », « disposition à courtiser une femme », « aventure amoureuse », « maladie vénérienne » et « prostitution ». C’est beaucoup, pour un même mot. L’adjectif lui-même prend des colorations très diverses dans Vies des dames galantes (Brantôme), Les Indes galantes (Rameau) ou Le Pasteur galant (Boucher)…

De la politesse désintéressée, où un homme tient la porte à une dame, aux sous-entendus grivois, le concept de galanterie n’est pas monolithique mais les féministes semblent les confondre pour les besoins de leur démonstration. Ainsi de Simone de Beauvoir écrivant ce parallèle lourd de sens : « La prostitution est tolérée, la galanterie encouragée » (Le Deuxième Sexe, 1949). La remise en cause de la galanterie n’a pas attendu Jennifer Tamas. Et, pour l'aspect mythique, Alain Viala avait publié La Galanterie, une mythologie française en 2019 (au Seuil, déjà).

Wokisme ou réaction

Désormais, le féminisme se complique de wokisme : il s’agit de déconstruire. Jennifer Tamas est-elle woke ? Interrogée par BV, elle ne nous a pas répondu. Seule certitude : elle baigne dans un milieu qui l’est, puisqu’elle enseigne à la Rutgers University, dans le New Jersey, qui se distingue par ses « Mercredis Woke », espace de discussion « sûr, inclusif et respectueux »… Enfin, pas pour tout le monde... Dans la faculté elle-même, les Blancs sont qualifiés peu ou prou de mauvais par nature par une professeur et les Juifs ont été pris à partie en avril dernier par des étudiants pro-palestiniens.

Cependant, Jennifer Tamas espère une renaissance de la galanterie fondée sur ce qui la caractérisait au XVIIe : « l’attention à l’autre, la condamnation de la violence, la valorisation de la discussion et de la nuance ». « Que ce soit avec un partenaire de vie, un membre de sa famille ou notre voisin dans le bus, la conversation peut réenchanter les liens humains. » Cette professeur américaine serait donc plus réactionnaire que woke. Non sans contradiction, car loin d’être un mythe, comme elle l’écrit, la galanterie fut une spécificité bien française, perçue comme telle par les autres pays européens. Elle fut une haute marque de culture. « La galanterie a pour objet de civiliser les hommes », rappelait le militant écologiste Philippe de Roux. Si la déconstruire ne laisse d'autre choix que de « draguer » avec des phrases du style « wesh, t’es bonne, toi », ce sera sans nous.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Une Américaine ? A fuir de toute urgence tout, ou presque, ce qui vient d’Outre Atlantique, y compris les auteurs qui scrutent nos moeurs. Comment, dans leur majorité, les Américains peuvent-ils comprendre les subtilités de la vieille Europe, notre galanterie ? Ceci dit, je déplore que certaines femmes aient été assez sottes (le mot est faible) pour mépriser les signes de respect manifestés par des hommes qui tenaient la porte pour leur donner la priorité… Messieurs, sachez qu’il ne faut pas généraliser à partir d’une mauvaise expérience !

  2. J’adore tous les petits gestes de galanterie, signes d’empathie et de respect. Ça fait du bien, ça réchauffe le coeur!

  3. À Moscou, dans le métro, si une femme est debout et des jeunes, même des Messieurs plus âgés, sont assis, ce sont des protestations qui s’élèvent obligeant les « Messieurs » à céder leur place. C’est ce qui m’est arrivé et j’étais gênée qu’on me dise de m’asseoir. L’éducation se fait partout.

  4. La galanterie française, beaucoup plus ancienne que le XVIIè siècle, remonte au Moyen Age en pays d’Oc. Guillaume IX d’Aquitaine né le 22 octobre 1071, mort en 1126, surnommé depuis le XIXe siècle le Troubadour, comte de Poitiers, duc d’Aquitaine et de Gascogne du 25 septembre 1086 à sa mort. Il fut également le premier poète connu en langue occitane et le grand-père d’Aliénor d’Aquitaine.

  5. Quand j’étais étudiant, j’ai eu le malheur de tenir la porte du resto U à deux filles qui arrivaient derrière moi. L’une d’elle m’a traité de macho. Depuis, je ne tiens plus les portes aux personnes qui me suivent en dehors de celles qui ont de réelles difficultés pour se déplacer.

  6. « « La galanterie a pour objet de civiliser les hommes », après avoir dit et écrit tout ce que cette dame a dit et écrit elle  » espère » un retour de la galanterie ? c’est une blaque ?

    • la galanterie est un des aspects du savoir vivre ou de ‘lart de vivre à la française que tout le monde nous enviait et en priorité les américains qui vénéraient cela .
      Il suffit d’écouter les paroles de certains standards de jazz des années 50 qui font souvent référence au romantisme à la française qui laisse la part belle à la galanterie .
      C’était paradoxale pour un pays de gaulois qui étaient des êtres plutôt rustres sans parler de l’époque de Rabelais qui vénérait la gaudriole, mais avec la manière et le style.
      Comme quoi ,un pays s’améliore en se construisant et nons pas le contraire .

      • @BM77 votre texte me touche beaucoup, oui ce chien était vraiment unique à plus d’un titre , et il m’ a aussi fait tourner en bourrique. L’épisode avec la caniche, en y repensant , était dû aussi au fait que c’était sa première rencontre amoureuse en 5 ans. Avant, j’avais une somptueuse Husky et pareil, en plein centre ville, un mâle husky lui a fait une cour pressante d’une infinie délicatesse.
        c’était vraiment très beau à voir. Plus on prend du temps à les observer, plus on voit à quel point ils sont proches de l’humain.

  7. Pardon mais la galanterie n’est pas qu’ humaine . J’ai eu un chien, un fox terrier, tombé raide dingue d’une caniche pourtant très revêche . Il m’a regardée (exactement le même regard de l’enfant amoureux dans « La Cité de la Joie » , puis après 3 secondes de réflexion, a couru chercher son plus beau bâton, l’a offert à la belle récalcitrante, je l’ai lançé, ils se sont élançés à sa poursuite , puis mon fox terrier a ralenti pour faire gagner l’élue de son coeur. Après plusieurs essais, la caniche s’est adoucie, séduite, il avait gagné. Je précise que ce chien était par ailleurs un dur à cuir (c’est le préféré dans la chasse au sanglier) .

    • Effectivement , je m’étonne du degré de galanterie de votre fox , parce que le mien ne partagerait jamais son bâton même avec une demoiselle de compagnie , ce serait d’ailleurs son seul motif de dispute avec une chienne . Il faut dire qu’il préfère son bâton ou sa balle à ses croquettes .
      A part cela , je confirme qu’ils ont un sacré caractère ce qui ne les empêche pas d’avoir un grand sens du discernement !
      Et votre fox en a beaucoup !

      • @Chris Oui vous avez raison ,il faut prendre le temps de les observer, ces animaux nous donnent tout. Ils créent des liens entre les humains et je ne compte pas les rencontres que j’ai pu faire pendant les promenades que je leur ai accorde tout le long de ma vie .
        Ils sont aussi des éponges parce qu’ils nous sont si proches qu’ils ressentent toutes nos difficultés existentielles.
        C’est pour cela que j’ai essayé ,au possible, de leur rendre un peu de ce qu’ils m’ont donné .Je ne sais pas quels mots employer pour ce qui est de cette confiance et cette loyauté canine ., de cet attachement propre aux chiens qui me touchent énormément .

  8. Quitte à déconstruire la galanterie, qu’ils nous expliquent de quelle façon procéder pour un homme aller vers une femme. À moins de réveiller l’instinct primitif et de faire comme les lapins, je ne vois pas ce qu’il peut exister comme alternative.

  9. Je me tue à le dire, « grandeur, décadence, déculture, bases éducatives à la poubelle etc… » tout cela remplacé par de la médiocrité à tous les niveaux, ce pays est devenu d’une mocheté affligeante à vomir; il serait temps de remettre de l’ordre dans ce « tas » de poubelle qu’est devenue la France. A quand un grand ménage salvateur? Rassurons-nous si je puis dire, rien n’est prêt de changer avec ceux qui nous gouvernent, je n’attends rien du futur gouvernement, rien.

  10. « La galanterie a pour objet de civiliser les hommes », = j’aime beaucoup.

    Enfin, j’avoue regretter le temps où on me montait ma valise dans le porte valise au dessus des sièges dans les trains, où on me les portes… Maintenant, il est vrai que dans mon milieu de coccinelles (en référence à Campagnol), il y a des messieurs qui me font un Baisemain et j’adore, cette galanterie d’un autre siècle, mais tellement charmante.

    • Peu d’hommes savent pratiquer le baise- mains et surtout pas notre Macron qui pétrit la paume de la reine d’Espagne. et ne sait pas effleurer sans toucher .. et puis cela ne se fait pas en plein air et jamais aux jeunes filles….

  11. J’ai compris la leçon : je ne tiens plus la porte pour laisser passer une dame et je ne paye plus que ma part au restaurant.

  12. Si son usage s’est raréfié, la galanterie existe toujours, et se pratique donc toujours. Bien sûr que cette pratique reste du « sexisme bienveillant », quoiqu’on veuille s’en défendre; sexisme étant le côté négatif dénoncé par les féministes de tout poil, et bienveillant le côté positif proclamé par les sociologues (de tout poil aussi!). Une société civilisée se doit à mon sens de conserver ce comportement un peu suranné, qui met visuellement la femme « en avant », compensant ainsi le léger écart de force physique historique qui nous constitue…

  13. Ce qui est rassurant, c’est qu’on entend de plus en plus de femmes critiquer les lubies des neo-féministes et du wokisme. La crise de la dette qui s’annonce va peut-être remettre les idées en place.

  14. Les Américains sont des bourins alors ne leurs demandez pas de comprendre les subtilités culturelles notamment la galanterie.

  15. C’est parfait tout ça,et bien pour être dans l’air du temps wokiste et progressiste,je propose qu’on considère désormais les femmes comme les hommes donc sans aucun égard particulier.A ce titre,si je vois une femme enceinte debout dans une salle d’attente,je resterai assis sans lui céder mon siège,je ne l’aiderai pas à porter un sac trop lourd pour elle,puis je les enverrai à la guerre dans les tranchées au même titre que les hommes,j’obligerai les employeurs dans le bâtiment et travaux publics routiers et à appliquer la stricte parité pour éviter les discriminations de sexes et je finirai en ajoutant que je contraindrai les demandeuses d’emploi à accepter au bout de trois refus, comme la plupart des hommes, un poste dans ce type de métier pénible qui contient aussi des heures au marteau piqueur….

    • a part le marteau piqueur, pour ma part c’est à peu près ce que j’ai vécue, debout enceinte dans un bus tout le long de ma grossesse -j’ai toujours porter tout mes sacs et valises parfois très lourdes, bon je ne suis pas aller faire la guerre dans les tranchées, mais bon globalement j’ai assuré seule tout ce qui devait l’être, et aujourd’hui je n’ai plus besoin d’un castord à mes coté, même si je continue d’avoir d’excellentes relations avec mes homologues masculins –

      • Patiencé ! Quand vous serez très vieille et handicapée vous retrouverez le bon temps de votre grossesse…les malotrus de l’époque auront vieillis et ils vous dorloteront de la même façon..j’en sais quelque chose..

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