[Wokisme] Où mènent les restitutions « décoloniales » ?

Capture d’écran 2024-02-15 à 16.18.40

Aux États-Unis, des musées de New York, Chicago, Harvard, Cleveland… ont fermé leurs salles amérindiennes. Ils doivent s’assurer au cas par cas d’avoir l’autorisation des tribus d’exposer œuvres ou objets, ou les leur restituer. C’est l’application de nouvelles réglementations en la matière. Elles constituent, selon le texte gouvernemental américain, « une étape nécessaire pour remédier à l'héritage des injustices coloniales ».

En Europe, le transfert d’œuvres vers l'Afrique - dira-t-on leur remigration ? - est appelé à se poursuivre. En novembre 2021, la France a renvoyé au Bénin 26 trésors. En décembre 2022, l’Allemagne a rendu au même pays 20 bronzes. Le centre Marc-Bloch, institut binational situé à Berlin, vient d’être doté d’un fonds franco-allemand de 2,1 millions d’euros. Le but : financer des recherches sur la provenance des biens culturels issus d’Afrique subsaharienne et présents dans les deux pays. Nul doute que cette manne n’appâte des chercheurs autoproclamés ès sciences décoloniales.

Le funeste « rapport Savoy »

En la matière, le modèle du genre est le rapport de 2018 commandé par Emmanuel Macron à l’économiste sénégalais Felwine Sarr et à l’historienne de l’art Bénédicte Savoy. Commander, à deux auteurs convaincus d’une nécessaire restitution totale, un rapport sur la question revenait à se priver d’emblée de toute objectivité, d’autant que Bénédicte Savoy ajoutait à la touche décoloniale ce qu’il fallait d’ethnomasochisme. Pour Didier Rykner (La Tribune de l’Art), peu suspect d’être de droite, le rapport était, après analyse, bon à être mis à la poubelle. Mais c’est ce texte qui a décidé Macron à restituer des œuvres au Bénin.

La réécriture de l’Histoire veut que toute œuvre, tout objet ait été systématiquement pillé ou volé. Il n’en est rien. « Dès le début de la période coloniale, les Africains ont su répondre à l'engouement des Blancs pour l’"art nègre”. Trocs et ventes s'organisent, mais aussi créations d'objets spéci­fiquement fabriqués pour les Eu­ropéens », écrivait Télérama (autre média peu suspect de sympathies coloniales). Souleymane Bachir Diagne, président du conseil scientifique pour le fonds de provenance mentionné supra, le dit expressément : « Il ne faut pas tomber dans l'idée simpliste selon laquelle si un objet se retrouve aujourd'hui dans un musée en Occident, c'est qu'il a été arraché par des moyens violents et illégaux. […] il y a des objets qui ont été légitimement acquis par leur nouveau propriétaire. » N’en déplaise aux wokistes selon qui il faudrait « tout rendre ».

Le wokisme, synonyme de la fin des musées ?

Mais les wokistes n’ont cure des objections. Ils sont occupés à faire croître et à exploiter un ressentiment décolonialiste. Le wokisme n’est pas une science ni même une attitude objective mais une pure pression idéologique. D’où la promptitude des gouvernements à le financer et la réactivité des musées à suivre les « recommandations » des wokistes. En novembre 2022, le Horniman Museum de Londres a réexpédié au Nigeria 72 objets. Par contre, lorsque Athènes exige de Londres le retour en Grèce des marbres d’Elgin, le Royaume-Uni n’est pas tenu par une quelconque culpabilité racialo-coloniale et n’obtempère pas, avec une constance notable. Trop blancs, les Grecs (et leurs marbres).

Alors, où tout cela mène-t-il ? D’abord, à la dispersion de collections dont on ignore le sort réservé dans des pays où les structures muséales ne sont pas des plus sûres. Surtout, à la fin du musée en tant qu’ouverture au monde et à d’autres cultures. Termes galvaudés, certes, mais qui correspondaient à une réalité : l’appétit de connaissances et de découvertes. Une fois que chacun aura repris ses affaires, que deviendra le musée du quai Branly ? Comment ferons-nous « l’expérience de l’altérité, de la différence, de la diversité » qu’il était supposé offrir, selon les mots de Manuel Valls ? En 2019, Bruno Maquart s’interrogeait sur l’avenir de « l’ouverture au monde » vue comme « une composante importante de la définition du musée, de tous les musées, du XXIe siècle ». Au train où les institutions cèdent au wokisme par lâcheté, les musées deviendront des lieux du repli sur soi… mais ce sera pour la « bonne cause ».

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 19/02/2024 à 20:34.

Picture of Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

Vos commentaires

22 commentaires

  1. c’est dans leur logique de déconstruction, ces oeuvres sont la représentations de civilisations ils n’en veulent plus

    Ils veulent faire table rase de tout ce qui forme un homme, une civilisation.

  2. Nous en Europe, on aimerait surtout et « en même temps » que les « bibelots » que s’opère le re-transfert de toutes ces peuplades vers l’Afrique, ça nous serait salutaire dans tous les sens du terme, n’est-ce pas Mr Macron ? L’insécurité et la misère sont dans le « rouge » et les caisses de l’ETAT aussi et ce pour plusieurs générations.

  3. Je ne suis pas pour la repentance éternelle en ce qui concerne le colonialisme, ou il y à eu du bon et du moins bon, mais ce qui est fait est fait. Je ne suis pas choqué que nous rendions les œuvres d’art, même si elles ne nous paraissent pas comme telles, qui avaient été prise lors des colonisations, il est possible qu’à leurs yeux, un Picasso ne soit pas non plus une œuvre d’art. Par contre ce qui me choque c’est la pauvreté des commentaires méprisants de certains à l’égard de ces populations, cela pourrait s’apparenter à du racisme.

  4. Mettre les OQTF dans le même avion que les oeuvres d’art devrait être une obligation car des hommes dans la force de l’âge peuvent travailler dans leur propre pays, même à construire des prisons qui pourraient les abriter.

  5. il y aurait plus drôle encore. C’est de s’intéresser à ce que deviennent ces œuvres « restituées » à leur retour dans les pays concernés …
    après presque 40 ans passés en Afrique ( dans différents pays) j’ai ma petite idée là dessus.

  6. Donc ce scientifique, Souleymane Bachir Diagne, président du conseil scientifique est un vrais scientifique qui se fonde sur aucune preuve en prétendant « si un objet se retrouve aujourd’hui dans un musée en Occident, c’est qu’il a été arraché par des moyens violents et illégaux » ce qui correspond à une accusation infondé et méprisable. Alors peut ont dans cet ordre d’esprit, sans doute écologiste, se demander si l’Occident n’avait pas pris soins de la préservation des oeuvres d’art « arrachés par des moyens violents et illégaux » que seraient elles devenus. Idée pas wokistes.

  7. Outre les œuvres d’art, on devrait aussi restituer aux pays africains leurs ressortissants qui y seraient bien utiles pour développer leurs pays, plutôt que de plomber les nôtres.

  8. Ces collections, rassemblées pas nos soins et bien préservées seront dispersées.
    Par « dispersées » je veux dire … revendues au marché noir, remplacées par de vulgaires copies exécutées à vil prix par les locaux etc…
    Né en Afrique, de parents nés en Afrique, je parlais le kikongo, puis le lingala mieux que le français.
    Je ne suis nulle part vraiment chez moi, ni en Afrique ni en Europe donc, après avoir vécu au Congo, au Cameroun, au Burkina Faso, au Bénin, au Sénégal, je crois pouvoir dire à ces œuvres que ce n’est qu’un au revoir : elles nous reviendront après avoir été revendues par les gestionnaires des musées (très sommaires) qui les accueilleront … peut-être … avant d’être volées.
    Sinon il reste l’ incendie à l’occasion d’une émeute etc…

    • Pour la Joconde c’est Léonard de Vinci qui la amené personnellement en France, l’auteur en est le maitre quant au soldat inconnu bien qu’inconnu il semble que ce soldat à été reconstitué.

  9. Si l’occident n’avait pas préservé nombre d’œuvres d’art, il y a fort à parier qu’elles auraient aujourd’hui disparu.
    Mais au contraire des œuvres d’art la bêtise ne disparaît pas, aujourd’hui elle a même une fâcheuse tendance à croître.

  10. Au moins les talibans, les vrais, ceux d’Afghanistan, pas nos pauvres petits talibans escrolos wokistes, eux, ont résolu (sic) le problème de la restitution à un éventuel état ancien qui a disparu. Ils ont purement et simplement dynamité les Bouddhas de Bamian.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

« Quand la gauche sort un drapeau, c’est le drapeau palestinien »
Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois