ZFE : Alexandre Jardin nous raconte comment il a soulevé Les Gueux

Certains hasards sont-ils vraiment des hasards ? Le 3 mars, lors de La Matinale de CNews, Romain Desarbres interroge Antony Hadjipanayotou, président de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) Île-de-France au sujet de la voie réservée au covoiturage sur le périphérique parisien. Mais ce dernier alerte plus largement sur l’enfer que vivent les artisans du bâtiment : « On ne peut plus se garer dans Paris et la mairie ne nous reçoit plus depuis quatre ans. » Si on ne répond plus côté mairie, est-ce parce que les artisans n'intéressent pas ? « Ou parce qu’ils ont peur, et ils ont peut-être raison d’avoir peur parce que ça ne va pas s’arrêter là. »
Attention, v'là Les Gueux !
Peu après, autres interlocuteurs sur d’autres ondes, celles d’Europe 1, mais même sujet. Dimitri Pavlenko reçoit Alexandre Jardin, devenu depuis peu lanceur d’alerte sur la question des ZFE (zones à faibles émissions), où la circulation automobile est interdite, entre autres, aux véhicules avec vignette Crit’Air 3 ou supérieure. Alors que les 42 ZFE (dont BV propose une carte) sont encore en phase de mise en place, l’écrivain a créé un mini-site Internet qui accueille un mouvement informel éponyme, « Les Gueux », et une lettre téléchargeable à envoyer à son maire. Et il communique quotidiennement sur X afin d’appeler à la mobilisation.
AIDEZ-MOI À PENSER - comment les auteurs des #ZFE ont-ils pu penser que plus de 20 M de gens dans l’impossibilité de changer de voiture allaient se débrouiller pour vivre leur vie ? #gueux pic.twitter.com/2wRyM6fASJ
— Alexandre Jardin (@AlexandreJardin) March 2, 2025
Nous avons pu joindre Alexandre Jardin afin qu’il nous explique pourquoi et comment il est devenu le héraut de la cause de ces personae non gratae dans les centres-villes. « En entrant dans une boulangerie, je suis tombé par hasard sur un homme qui expliquait qu'il ne pouvait plus récupérer ses enfants tous les week-ends pour exercer son droit de garde de papa. » Pourquoi ? « Je comprends alors que c'est dans une ZFE, et qu'il n'a pas la bonne voiture, comme tout le monde d’ailleurs dans ce village. » Complice, un client lui suggère un chemin en disant : « Il n'y a pas d'appareil photo par là, et il n'y a jamais de flics. » Alexandre Jardin poursuit : « Et là, je me suis retrouvé en 1942, avec des Français qui ont des réflexes de vie clandestine. »
Le tweet à un demi-million de vues qui change tout
Vérification faite, notre écrivain comprend que tout cela n’a rien d’une fiction. « Je me rends compte de l'énormité du truc. Je fais alors un tweet, qui se termine par "mais on s'en fout, ce sont des Gueux…" Le lendemain matin, je constate qu’il a été vu par 525.000 personnes ! » Tout le monde a donc bien compris le deuxième degré. « Oui, mais le mot résume la charge de mépris social. Et les témoignages commencent à affluer. Je comprends alors que c’est parti. » Pour Alexandre Jardin, « la France populaire est en train de basculer dans l'illégalité. Dans ces 12 millions de véhicules, il y a plus de 20 millions de Français concernés. En fait, il y a plus d’un tiers du peuple. Ce qui correspond à peu près aux 40 % de Français qui vivent dans la ruralité et qui, presque tous, n’ont pas les moyens d’acheter une voiture ZFE compatible. » Mais ce n’est pas tout : « J'ai découvert que les grandes villes ont imaginé des passes ZFE pour les gueux. Alors ça, c'était le sommet. » Mais le mieux, c’est encore de donner un exemple : « Si vous voulez traverser la France pour aller rendre visite à vos grands-parents et devez traverser vingt ZFE, vous devez solliciter humblement vingt autorisations, lesquelles sont conditionnées à des horaires. Sinon, vous devez contourner, et pas seulement les grandes villes, mais aussi les rocades, les tronçons des autoroutes et des routes nationales alentour. » La vie change alors : « Le Gueux est prié de rester avec les autres manants, de ne plus sortir de son village où il est assigné à résidence, sinon il va recevoir une volée de PV. » Pour l'instant, les contrevenants ne sont pas verbalisés… « Pas encore, le temps d'installer les appareils photos qui vont lire les plaques d'immatriculation. Et là, j’ai compris qu'a été mise en place la plus grande loi de ségrégation sociale, qui touche les Gueux dans leur vie privée mais aussi professionnelle. Comment vont aller travailler les infirmières, les artisans, les caissières et les clients des magasins… ? » Comment expliquer qu’on en soit arrivé là ?
Une partition du territoire « au nom du bien »
« Une bande d'illuminés, au nom d'une idéologie mal contrôlée, a mis en place le dynamitage en règle de notre société, la partition du territoire, tout ça au nom du bien. On a imaginé un système où, pour que le riche puisse respirer mieux, on vire les pauvres. » Mais alors, comment faire, puisque la loi de 2021, dite « résilience climat », a tout de même été votée dans les règles ? « L’étude d’impact a été bâclée, ils n'ont même pas évalué le nombre de voitures et de gens impactés. Je suis en train de faire étudier cela pour voir si cela a pu rendre cette loi inconstitutionnelle. Certains élus envisagent de repousser l’application des sanctions à 2027, d’autres discutent d’un moratoire pendant trois à cinq ans. Ce qui est terrifiant, parce que cela veut dire qu'on prend en acte que les 12 millions de véhicules des milieux les plus pauvres ne valent plus rien, puisqu’ils n’ont plus accès aux grandes agglomérations. » Pour Alexandre Jardin, le mouvement des Gueux est encore tout petit, mais il émerge partout. Et « le jour où les gens vont recevoir leurs PV, les dizaines de manifestants vont devenir des millions. Mon souhait le plus profond, c'est qu'on n'aille pas à l'explosion. Il faut donc songer à un droit référendaire d'initiative populaire pour que la démocratie représentative soit complétée par un volet démocratie directe. »
Montpellier, ou la première victoire des Gueux
Si Alexandre Jardin est déjà soutenu par David Lisnard et Michel Fournier, respectivement présidents de l'Association des maires de France et de l'Association des maires ruraux de France, il a pu compter, aussi, sur une première victoire, obtenue grâce à l’intervention de Laurent Jaoul, maire sans étiquette de Saint-Brès, petite commune du Languedoc-Roussillon, que BV à pu joindre : « Il y a trois ans, le président de la métropole montpellieraine, Michaël Delafosse, a proposé au conseil de métropole la mise en place de la ZFE. Sur les 31 maires, quatre contre. » Projet voté, mais à la veille de 2025, alors que la ZFE devait entrer en vigueur, Laurent Jaoul a interrogé ses collègues : « Comment allez-vous faire, dans votre commune, pour expliquer aux gens qu'ils ne pourront plus circuler avec leur voiture ? Et je leur ai proposé de rédiger une délibération à faire voter par chacun de nous dans son conseil municipal. » Puis, après des vérifications juridiques et administratives, Laurent Jaoul a pris la route : « J’ai rencontré les 31 maires de la métropole, un par un, et 23 d’entre eux ont fait voter le projet de délibération dans leur commune. C’était symbolique, mais cela a suffi pour que Michaël Delafosse accepte de présenter au conseil de métropole du 13 février dernier un moratoire sur deux ans. »
Les Gueux seront-ils les pionniers d’un nouveau mouvement fort, de type gilets jaunes ? Les premières arrivées de PV dans les boîtes aux lettres pourraient le confirmer bientôt...

Pour ne rien rater
Les plus lus du jour
LES PLUS LUS DU JOUR

Un commentaire
il me semble que MR Alexandre jardin a voté MACRON pas moi alors que cet écrivain qui veut faire la revolution dans de beaux salons reste chez lui parce que toutes ces personnes qui viennent nous donner des leçons c’ est un peu tard .