10 mai 1774, la mort du plus « Mal-Aimé » des rois de France

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Triste fin que fut celle de Louis XV, qui rendit son dernier soupir il y a 250 ans. Surnommé le Bien-Aimé au début d’un règne prometteur, il meurt comme le Mal-Aimé après avoir passé 58 ans sur le trône du royaume de France. Ce 10 mai 1774 n’annonçait pas seulement la disparition d’un roi mais aussi le crépuscule d’un régime monarchique dont le Bourbon trépassé avait précipité la désacralisation.

Une fin de règne laborieuse

À la fin du règne de Louis XV, Versailles n’a plus l’éclat du temps glorieux de son illustre ancêtre Louis XIV. Désormais, le palais n’est désormais qu’un lieu d’intrigue et d’adversité, notamment entre les deux reines informelles de la cour et leurs partisans respectifs. En effet, nul ignore l’hostilité grandissante qui sépare l’épouse du Dauphin, Marie Antoinette, et la dernière maîtresse du roi, Madame du Barry.

Dans un même temps, le royaume de France sort affaibli, économiquement et politiquement, de nombreux conflits. Ainsi, la guerre de Sept Ans a fait perdre à notre pays une grande partie de son empire colonial en Amérique et en Asie. Quant à la guerre de la Succession d’Autriche, le traité de paix n’est pas du goût de tout le monde malgré la victoire. De cette histoire naît l’expression « se battre pour le roi de Prusse », c’est-à-dire « travailler beaucoup pour avoir peu en retour ».

L’image de la monarchie est aussi écornée par le roi lui-même. En effet, la morale et la vie sentimentale de Louis entachent beaucoup l’image du souverain très chrétien qu’il devrait être. Les histoires les plus sulfureuses courent ainsi à son sujet, et notamment à propos de son fantasmé harem du Parc au Cerfs, car « il suffit d'évoquer cet endroit, véritable lieu de mémoire érotique, pour imaginer un roi centaure, l'arc éternellement bandé, chevauchant dans les allées d'un parc à la française de jeunes vierges au regard de biche », selon Claude Pascal dans Versailles. Histoire, secrets et mystères (Perrin).

« Une bonne mort »

Cependant, ces contrariétés ne sont plus rien pour Louis XV. En effet, le 26 avril 1774, le roi de France tombe malade et est rongé par la petite vérole, ancien nom de la variole. Après le diagnostic funèbre des médecins, le souverain comprend que son trépas est proche. Comme son arrière-grand-père Louis XIV, il est temps pour lui de mettre en scène « sa bonne mort ».

Ce rituel oblige ainsi Louis XV à « prendre congé du monde, puis à recevoir les derniers sacrements - communion tout d'abord, extrême-onction ensuite - avant que les portes ne se referment sur lui pour une fin soustraite au regard », selon Simone Bertière dans Les derniers jours des rois (Perrin). Le monarque capétien est aussi exhorté par ses chères filles à confesser sa vie de débauche. Il s’y résout et, après une longue agonie, rend enfin son dernier souffle le 10 mai 1774, à 15h15.

Impopulaire jusque dans la mort

Le roi est mort, vive le roi ! Cependant, il faut encore s’occuper, et rapidement, de la royale dépouille de l’ancien souverain. Pour lui, point d’exposition du cadavre : la putréfaction s’est si vite emparée des chairs qu’on ne peut même pas isoler ses entrailles ou retirer le cœur. On se passera aussi d’embaumement. Mis dans un cercueil de plomb, Louis XV est ainsi conduit à la basilique Saint-Denis, et cela dans l’indifférence totale voire l’hostilité des Parisiens. En effet, certains n'hésitent pas à répéter, le long du cortège funèbre : « Louis a rempli sa carrière et finit ses tristes destins. Tremblez, voleurs, fuyez, putains : vous avez perdu votre père. »

Cette haine poursuit le Mal-Aimé jusque dans sa tombe quand, dix-neuf ans plus tard, en octobre 1793, les révolutionnaires profanent son cercueil et jettent les restes royaux et putréfiés dans une vulgaire fosse commune. Ces derniers retourneront ensuite en 1817 à la nécropole des rois de France quand Louis XVIII les fera rechercher pour qu’ils reposent enfin en paix pour l’éternité.

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

17 commentaires

  1. j’espère, cher Monsieur, que vous redresserez, dans un prochain article, l’image très négative que vous donnez de ce roi soucieux de ses peuples qui, 4 ans avant sa mort, a eu le courage et la lucidité de faire un remarquable coup d’Etat, avec l’aide du chancelier de Maupeou. Malheureusement, comme vous le savez, le jeune et timide Louis XVI, mal conseillé, a immédiatement démoli ce magnifique et audacieux travail.

  2. C’est pourtant lui Louis XV qui a inventé la notion du droit à la justice pour tous et qui a crér la notion de l’aide juridictionnelle ! Mais il est vrai que c’était un homme à femme et qui fut l’amant de madame Bovary ! Hervé de Néoules !

  3. Outre que Louis XV a été un roi travailleur, intelligent et bien-intentionné, je voudrais insister sur la fausseté du chapitre « la putréfaction s’est emparée des chairs, etc. »
    Je cite Michel Antoine, le meilleur spécialiste de Louis XV, citant lui-même Alexandre Lenoir, fondateur du Musée des Monuments français, qui a « soustrait tant d’œuvres d’art au vandalisme » des républicains, et qui a assisté à la violation des sépultures royales en 1793: « ce cadavre, réputé infecté en 1774, exhumé en ma présence en 1793, a été trouvé très conservé et la peau aussi fraîche que s’il venait d’être inhumé ». « Il ne se répandit aucune exhalaison à l’ouverture de son tombeau ». Louis XV a été calomnié durant toute sa vie et jusqu’à Ernest Lavisse. Les lecteurs de Bainville, de Gaxotte et de Michel Antoine, savent que c’était un grand Roi, plein de justice, de miséricorde, de courage et de pitié, comme il l’a prouvé à Fontenoy.

  4. L’honnêteté de l’historien devrait l’emporter sur le jugement. À quelques plumes modernes, on aurait pu citer Jean Del Perugia et son Louis XV qui fit autorité ! Il analyse notamment trois éléments fondamentaux ici absents : le couple infernal Orléans-Parlement, la politique de l’Angleterre et l’offensive de l’idéologie des Lumières. Quant à l’image du roi dans le peuple, c’est un chef-d’oeuvre de désinformation : relisez vos références, s’il-vous-plaît. Notre époque, ô combien immorale, se plait à pardonner aux uns (Henri IV) ce qu’elle reproche aux autres (Louis XV). Au passage, la haine révolutionnaire n’a pas poursuivi que Louis XV mais tous nos rois, bien qu’ils ne fussent pas tous « mal aimés », comme dit l’autre…

  5. Merci Monsieur de mascuro pour vos articles historiques pertinents. Pourriez-vous à l’occasion nous parler de Louis XII méconnu et économe qui aurait dit à propos de sa mise modeste sujet de moquerie« j’aime mieux entendre les courtisans rire de mon apparence que voir le peuple pleurer de mes dépenses» un bel exemple à comparer à nos dirigeants dépensiers depuis 50 ans. On peut aussi le comparer à François 1er qui amenait son peuple à la misère par ses impôts excessifs et qui était nommé « le roi des bêtes: pour cela. Pourtant l’image qui a laissé François 1er dans l’histoire et bien plus favorable que celle de Louis XII qui a été oublié quelle triste leçon.

    • Mon préféré demeure Jean II le Bon qui, otage en Angleterre, puis remplacé par ses fils, retourna spontanément à Londres après leur évasion avec cet aphorisme : « Si la bonne foi devait disparaître sur Terre, on pourrait la retrouver dans le cœur des Rois ». Il décéda quelques mois après. Chapeau bas!

  6. On lui doit surtout les défaites dans les guerres européennes et la perte de notre 1er empire colonial. Aucun regret pour ce ce roi.On aurait d^le laisser dans la fosse commune car indigne d’une sépulture en nécropole royale.

    • La France a connu des défaites (et des victoires) sous tous les régimes.
      Si vous ne louez pas Louis XV pour les victoire de Fontenoy ou de Lawfeld, pourquoi l’accableriez vous pour Rossbach ou Minden, et d’ailleurs c’est Choiseul qui a choisi Soubise contre Broglie par sordide courtisanerie.

    • Je vous signale quand même que si nous avons effectiveent perdu le Canada et l’Inde sous son règne, qui n’auraient pas perduré sous mandat français, nouds y avons gagné la Corse et la Lorraine, que nous avons gardées.

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