Charité bien ordonnée : quand JD Vance fait du Jean-Marie Le Pen dans le texte

Capture d'écran ©FoxNews
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Alors que la gauche américaine pleure sur le sort des migrants expulsés des États-unis, le vice-président J.D. Vance a fait, sur le plateau de Fox News, un exposé de charité chrétienne bien ordonnée : « Tu aimes d’abord ta famille, puis ton prochain, puis ta communauté, puis les concitoyens de ton propre pays et après cela tu peux te concentrer sur le reste du monde, c’est un concept très chrétien. » Il précise que, par chance, « c’est très clair » pour le président Trump : il s’occupera d’abord des Américains. Et rajoute que le Premier ministre britannique devrait donc s’occuper d’abord des Anglais, le gouvernement français des Français, etc.

La Tour du Pin en santiags

Sans doute pense-t-il à l'« ordo caritatis », l’ordre de la charité, tel que développé par saint Thomas d’Aquin. Il faut savoir que J.D. Vance, évangélique de naissance, s’est converti au catholicisme en 2019. Son cheminement spirituel a été nourri par la lecture du philosophe français René Girard et surtout par celle de saint Augustin. Mais saint Thomas s’est aussi trouvé sur sa route, comme le prouve une anecdote qu'il raconte sur X : à un ami qui lui demande avant le débat entre les potentiels vice-présidents « à quel point [il était] nerveux sur une échelle de 1 à 10 », il répond « 11 ! », ajoutant : « Un ami prêtre m'a envoyé cette prière avant que je monte sur scène. Je la partage dans l'espoir que quelqu'un la trouvera aussi significative que moi. » Suit le texte - en anglais - de la célèbre prière des étudiants avant un examen, écrite par saint Thomas d’Aquin : « Creator ineffabilis ».

Par sa conversion, il devient, au sein du Parti républicain, le tenant d’un conservatisme social opposé à l’ultra-libéralisme sauvage et proche de la doctrine sociale de l’Église. Une sorte de René de La Tour du Pin ou d’Albert de Mun à santiags et chapeau de cow-boy. Bref, que personne ne s'avise de lui donner de leçon d'altruisme, sa solide formation personnelle le rend imperméable aux discours culpabilisants.

Je préfère ma fille

Mais pour nous autres Français, cette phrase a un air de déjà-vu, voire de copier-coller. Car, tour à tour en 1984 puis en 1988, sur Antenne 2, sur le plateau de L’Heure de vérité, Jean-Marie Le Pen l’a peu ou prou prononcée, déclenchant aussitôt, comme d'habitude, des cris d’orfraie : « J’aime mieux mes filles que mes nièces, mes nièces que mes cousines, mes cousines que mes voisines, la France que l'Europe, etc. » En 1988, il avait affirmé, en préambule, croire « aux choses réelles et aux attachements hiérarchiques ». La France n’est pas les États-Unis, la religion n’y occupe pas la même place et il ne fait pas, lui, référence à la charité chrétienne mais à l’ordre naturel… mais l’un et l’autre sont liés. Des parents qui délaisseraient leur propre progéniture pour s’occuper de celle du voisin seraient sévèrement jugés par l’Éducation nationale, l’aide sociale à l’enfance et tutti quanti. C’est pourtant ce qu’a fait jusque-là, s’agissant de ses « déplorables » (version américaine) et de ses « petits, obscurs, sans-grade » (version française), la mère patrie.

La « French theory », comme son nom l’indique, est partie de France pour arriver aux États-Unis, avant de revenir, quelques années plus tard, amplifiée en France. Le « populisme », qui en est à bien des égards l'antidote, suivra-t-il le même parcours ?

En attendant, il ne faut jamais avoir raison trop tôt, et la tombe de Jean-Marie Le Pen, à La Trinité, vient d’être saccagée. La rage, peut-être, de voir que, selon la formule d'Henri III, il est encore plus grand mort que vivant et que ce qu’il a essaimé a poussé, fructifié et fleuri… jusqu’aux États-Unis ?

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Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

18 commentaires

  1. C’est Maxime était aussi utilisée par Charles Mauras il faut avoir l’honnêteté de l’admettre. Sauf que discréditer une opinion parce qu’elle a été partagé par un personnage contestable n’est pas un argument valable. C’est comme si on disait que toutes les personnes prénommées Adolphe sont des nazis. Donc pour ce qui est de Mauras, ce qu’on lui reproche c’est son antisémitisme, ses velléités séditieuses, sa haine contre certaines catégories de personnes… Mais d’autres de ses idées employées peuvent être parfaitement reprenables et sont même partagées parmi les valeurs de la République.

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