[EXPO] Isabelle Sauvageot : « le velouté et l’élégance de l’huile »
« En douceur » : sous cet intitulé, la galerie Cécile Dufay (dans le Village suisse, Paris XVe) réunit trois artistes qui valent le détour : Mathieu Weemaels, Stéphane Dauthuille et Isabelle Sauvageot. C’est à celle-ci que nous nous intéresserons. On peut la suivre sur Instagram, mais cela ne remplace jamais de regarder les œuvres en vrai, dans leurs dimensions et leur matérialité.
Ses natures mortes et paysages sont d’humbles choses et des points de vue sans pittoresque. Le refus de toute esbroufe est ce par quoi sa peinture se signale de prime abord. « Je vis en Seine-Saint-Denis où le gris et le béton dominent, confie l’artiste à BV. On peut toujours trouver une silhouette d’arbre, une maison un peu délabrée qui dégagent une poésie. » D’ailleurs, le gris n’est pas, en peinture, synonyme de terne ou de triste. Sa définition courante - mélange de noir et de blanc - ne correspond pas à la réalité ni à la palette, tant il est souvent coloré et nuancé.
Ces gris sont omniprésents dans les natures mortes d’Isabelle Sauvageot, qui sont parfois des paysages aussi. À propos de l’une d’elles, elle commente, sur Instagram : « J’ai pensé comme peindre un paysage, la terre et le ciel, avec ces dunes formées par les plis raides de ce vieux torchon de lin… » Un fruit, une fleur, une jatte, il n’en faut pas davantage. « Une assiette achetée chez Monop peut prendre un petit air vintage à la Matisse » et un vulgaire gobelet en plastique devenir sujet : il a ses transparences et ses lumières - que demander d’autre ?
Le parcours d’Isabelle Sauvageot est atypique. Elle a longtemps été soprano, en particulier au sein du célèbre ensemble de musique baroque « Les Arts florissants », mené par William Christie. Comment est-elle passée d’un art à un autre, deux moyens d’expression si différents ? « Enfant, nous raconte-t-elle, j’ai développé le goût du dessin et une capacité d’observation assez poussée, tout en adorant la musique. J’ai opté pour une profession musicale parce que je croyais moins en mes talents de peintre et que des portes s’ouvraient. » C’est ainsi que l’art plastique a été longtemps mis en parenthèse. « J’ai quitté le monde musical en 2018, où on m’a fait comprendre que j’avais atteint la limite d’âge. C’est alors que je me suis plongée dans la peinture à plein temps. Un autre de mes rêves a pris forme. »
Comme les arts plastiques sont risqués, en comparaison de la musique où le diapason et le métronome fixent les repères admis ! C’est au peintre, à chaque œuvre, de fixer sa gamme et son rythme et que les deux aient leur cohérence et leur harmonie. Le peintre est son propre compositeur et son propre interprète.
Ce qui participe au caractère très personnel des peintures d’Isabelle Sauvageot est qu’elle dédaigne les toiles du commerce et leur uniforme banalité. « La toile texture trop la peinture, selon elle. Je travaille en glacis beaucoup plus qu’en empâtement, donc la trame se verrait. » Pour contourner cela, elle use d’autres supports (papier, carton, panneau) qu’elle enduit d’un gesso maison. « J’ai appris des recettes de gesso, il y a longtemps, chez un peintre d’icônes, que j’utilise toujours aujourd’hui. J’aime le travail fluide du pinceau que cela permet », explique-t-elle à BV.
« Sur le gesso brut, je travaille à l’eau (gouache ou détrempe). L’acrylique est un outil de facilité parce qu’on fait ce que ce qu’on veut rapidement : elle appartient à ma zone de confort. L’huile a un velouté et une élégance que j’explore le plus possible. » Varier les supports, les gesso, les peintures, lui permettent d’éviter la routine. « Je n’aime pas rester toujours dans la même technique, j’ai besoin de changement, de récréation. Je passe de l’une à l’autre. »
La galerie Cécile Dufay s’est donnée comme but, louable entre tous, de « favoriser le sens de la contemplation ». La peinture d’Isabelle Sauvageot répond pleinement à cette fin que l’art ne devrait jamais perdre de vue.
• En douceur, Stéphane Dauthuille, Isabelle Sauvageot, Mathieu Weemaels. Jusqu’au 15 février 2025, Galerie Cécile Dufay (Village Suisse n° 27, 78, avenue de Suffren, 75015 Paris). Du mercredi au samedi, 14h30-19h.
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6 commentaires
Les objets des natures mortes doivent être intrinsèquement beaux, même s’ils sont simples : une cruche en argile, un verre de cristal. Ce que nous propose cette femme peintre sont ceux du quotidien, pire du « plastique »… Et son oeil ne le transcende pas. Désolée d’être critique mais je cherche autre chose dans l’art que la banalité et surtout pas la grisaille des banlieues…
C’est joli, apaisant mais sans plus. L’art, tel que je le conçois doit aller au-delà de l’anecdote. On peut représenter un objet – sans qu’il soit déformé au point de se demander ce que cela représente ou si on se fiche de nous – mais la simplicité a ses limites. Quand je vois une œuvre, elle doit me parler en dehors des conventions, me transporter. Ici, je ne ressens que du déjà vu; pas de quoi voyager en pensée. Mais la vie n’est-elle pas un apprentissage constant ? Si elle est passionnée, forcément elle évoluera dans et avec son art.
Cela fait des siècles que l’on débat de l’art…
Et, oui, l’art peut se contenter de l’anecdote et résider dans la façon de la présenter, ou représenter, fût-elle simplissime (Manet et ses fleurs).
Du « déjà vu » ? Oui, comme une femme nue, une bataille, une vanité… « Tout » a déjà été vu, c’est certain, et même le pire. Ici, quoique la manière semble (semble, seulement) maladroite, on sent le désir de l’auteur de transmettre sa simple émotion. Que cela ne vous touche pas particulièrement n’invalide pas son geste.
Comme disait « l’autre », la critique est facile, l’art est difficile, Ô combien !
Je donnais un simple avis Charlie22. Les commentaires sont faits pour cela. Et comme vous pouvez le voir, je pense qu’elle a encore à apprendre, comme nous tous. Je crois que dans toute chose, on peut toujours s’améliorer. Tant mieux si vous y trouvez une nourriture satisfaisante. Ce n’est pas mon cas. Mais ma sensibilité artistique vraisemblablement n’est pas la vôtre. De toute manière on a droit de critiquer, cela n’enlève rien à la personne elle-même qui peut entendre aussi bien ce que je dis, que ce que vous dites. Ma critique n’était pas acerbe mais devait se voir comme un encouragement à continuer. Et puis entre nous, elle n’a besoin de la permission de personne pour poursuivre dans sa voie. Voilà.
Beaucoup de douceur dans ces oeuvres que le gris inspire, ce gris omniprésent dans notre époque, dans la décoration, comme dans le ciel obscurci par les épandages !
Le jour où l’art, plus particulièrement la peinture et la sculpture, seront traitées, ici et ailleurs, sous l’aune des mêmes exigences et compétences, que celles auxquelles ont droit les questions d’ordre politique et social, un grand pas aura été accompli pour l’humanité.